Attractivité : les établissements de santé misent sur l’humain

25 septembre 2019

Burn out, suicides, démissions nombreuses : l’actualité autour des établissements hospitaliers est loin d’être au beau fixe. Comment peuvent-ils redorer leur blason ? Quelle politique peuvent-ils mettre en place au niveau de leurs ressources humaines pour retrouver une certaine attractivité auprès des médecins ?

L’amélioration de l’attractivité de l’hôpital public et la fidélisation de l’ensemble du corps médical et paramédical s’avèrent des enjeux majeurs, notamment pour garantir à la population des soins de qualité et de proximité. « Un choc des ressources humaines est urgent, prévient Matthieu Sibé, Maître de conférences en sciences de gestion à l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement de l’Université de Bordeaux. Cette réflexion autour de l’attractivité hospitalière, à la croisée du marketing et des ressources humaines, vise à comprendre les comportements individuels et organisationnels permettant aux acteurs de s’engager dans une situation d’emploi. » Des actions doivent être mises en place pour redonner confiance aux médecins d’exercer à l’hôpital.

S’intéresser à l’humain

« Pendant longtemps, les hôpitaux ne se sont pas intéressés aux richesses humaines, constate Matthieu Sibé. Les principales réformes mises en place concernaient surtout le financement de l’hôpital ou encore, la gouvernance avec un accompagnement sans doute insuffisant des personnels auxquels il a été demandé davantage de productivité, une standardisation des prises en charge ainsi que le développement de l’ambulatoire avec une réduction des durées de séjour. Or, sans accompagnement, le sens du travail se perd vite. » Si le métier en tant que tel demeure encore attractif, c’est davantage le lieu d’exercice qui peut poser problème. « Le métier de médecin reste prestigieux et traduit des valeurs humaines, souligne Matthieu Sibé. Mais l’attractivité des métiers peut être impactée si l’attractivité des organisations n’est pas prise en compte. Ce qu’il faut soigner, c’est l’organisation et les conditions de travail. »

Une réflexion sur les carrières

Première piste : conduire une réflexion sur les politiques de recrutement et de carrière au sein des établissements afin d’apporter une meilleure visibilité aux médecins. « Aujourd’hui, les opportunités de carrière et les distinctions entre les différents statuts ne sont pas suffisamment claires pour les jeunes médecins, indique Matthieu Sibé. Les RH doivent être plus efficaces sur ce sujet afin qu’ils puissent se projeter dans un plan de carrière. » L’hôpital a d’ailleurs de nombreux atouts à faire valoir, en particulier la grande diversité des patients et de leurs problématiques médicales, la possibilité offerte aux médecins de se spécialiser ou encore, le bon niveau d’équipements technologiques.
« Une politique d’accompagnement des jeunes médecins pour les fidéliser est indispensable. Il faut mieux les accueillir, développer des bonnes conditions d’exercice et une visibilité des carrières. »

Autre piste : rendre le management exemplaire. « La qualité de vie au travail doit être meilleure qu’elle ne l’est aujourd’hui avec les leaders médicaux qui donnent du sens au travail et ont envie de transmettre », suggère Matthieu Sibé. Un cercle vertueux peut donc être initié en prenant soin des professionnels qui sont déjà dans l’établissement, ceux-là mêmes qui vont pouvoir peser sur la venue des futures recrues. La formation au management médical permettrait, en outre, de donner davantage d’autonomie aux professionnels, de même qu’il peut s’avérer pertinent de développer un cadre de travail permettant des collaborations partagées car « l’attractivité et le désir de rester dans un établissement dépendent beaucoup de l’ambiance du service », rappelle Matthieu Sibé.

Face à ces questionnements, les hôpitaux doivent-ils pour autant développer une marque employeur, comme le font les entreprises ?

« Sur ce sujet, je suis partagé, répond Matthieu Sibé. Il y a du contre avec le coût de la démarche ou encore, le risque de normalisation administrative excessive de la Qualité de vie au travail (QVT). Mais il y a aussi du pour. Je pense notamment que le principal intérêt d’une démarche de labellisation serait la dynamique de réflexion interne qu’elle pourrait engendrer. Cela permettrait d’inciter les établissements à une mise en discussion du contenu du travail au cœur de la QVT. » Cette introspection semble d’autant plus intéressante qu’il existe peu d’espace de dialogue social et de proximité à l’hôpital mais à condition qu’elle repose sur une démarche participative de tous les acteurs. « Il ne faut pas avoir peur du dialogue sur le travail même dans des environnements contraints, conclut Matthieu Sibé. Au contraire, il faut se rééduquer à mettre ce sujet régulièrement en débat pour trouver de nouvelles organisations et réinventer le sens de son travail. Les démarches QVT servent à cela et elles seront, à coup sûr, bénéfiques pour l’attractivité et la fidélisation des professionnels hospitaliers, y compris des médecins. »

Les orientations de la FHF pour une meilleure attractivité de l’hôpital public1
1. Mieux communiquer sur les carrières à l’hôpital public au cours de la formation initiale.
2. Accompagner individuellement le développement des carrières des médecins en formation.
3. Garantir de bonnes conditions d’accueil et de formation des internes.
4. Créer une plateforme de recrutement et d’informations pour les carrières médicales à l’hôpital public : « Bourse aux postes ».
5. Valoriser et adapter l’organisation du post-internat.
6. Développer les coopérations et les équipes territoriales
7. Rénover le régime des rémunérations.
8. Favoriser la qualité de vie au travail.
9. Gérer les carrières et dynamiser les parcours professionnels.
10. Développer les capacités des managers médicaux.

1« L’amélioration de l’attractivité et de la fidélisation des médecins à l’hôpital public », rapport de la Commission permanente de l’attractivité médicale.

Focus sur l’attractivité médicale :