Attractivité : la jeune génération impose de nouveaux paradigmes dans la médecine libérale

25 septembre 2019

Seuls 12 % des jeunes et futurs médecins se lancent dans l’aventure libérale en s’installant à l’issue de leur internat. Quels facteurs convient-il d’activer pour lever les freins et que le secteur libéral retrouve toute son attractivité ?

La tendance se confirme au fil des années : les médecins optent de plus en plus pour l’exercice salarié, lequel est choisi, aujourd’hui, par 47 % d’entre eux contre 42 % en 2010. Une étude de la Drees2 envisage même un scénario qui verrait les effectifs de médecins libéraux continuer de baisser au profit du salariat et ce, jusqu’en 2027.

Pourtant, dans une étude menée en début d’année par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), 75 % des internes en médecine affirment vouloir s’installer en libéral quand 19 % envisagent une activité salariée. Ils ne seront que 12 % à le faire, et cinq ans plus tard, 35 %. Pourquoi un tel décalage entre aspiration et concrétisation ?

« L’exercice libéral, c’est l’inconnu pour des internes qui viennent de passer quasiment six ans à étudier et pratiquer en CHU, indique le Dr Élisabeth Gormand, Présidente de la commission des Jeunes médecins du Cnom. Il faudrait qu’ils puissent aller plus tôt dans les territoires, non pas pour boucher des trous mais pour mieux appréhender cet exercice et y poursuivre leur formation en étant accompagnés par des maîtres de stage. A l’image des étudiants des Grandes écoles qui choisissent bien souvent un stage dans l’espoir d’entamer leur début de carrière dans l’entreprise, les internes ont besoin, à l’issue de leur formation, d’un terrain qu’ils ont expérimenté, qu’ils connaissent et qui leur plaît. »

Sortir du maquis des aides financières

L’accompagnement par les pairs lors de l’installation et l’enseignement dédié au management et à la gestion sont également des attentes des jeunes praticiens pour se lancer dans le secteur libéral. Car, parmi les freins, bon nombre d’internes évoquent le risque économique, la peur de l’échec et ce, malgré les incitations financières à l’installation. Des aides qui ne sont pas perçues comme déterminantes dans le choix de l’activité libérale. « ARS, territoire, Assurance maladie… : la diversité des sources d’aides à l’installation représente un véritable maquis qui peut finir par décourager », estime le Dr Bruno Boyer, Président de la commission Santé publique au sein du Cnom. Mais l’idée d’un contrat unique en la matière fait aujourd’hui son chemin. Un rapport en ce sens3 vient d’être remis à la ministre des Solidarités et de la Santé. « Pourquoi pas si c’est pour plus de lisibilité, indique le Dr Gormand. Mais il faut que tous les acteurs s’accordent sur les modalités simplifiées d’aide à l’installation. »

Faciliter de nouveaux modes d’exercice

L’installation en libéral, lorsqu’elle a lieu, se fait aujourd’hui cinq à dix ans après la fin des études, à un âge où l’on veut poser ses valises. L’un des freins est de ne pas trouver un territoire et un poste permettant de concilier vie professionnelle et vie personnelle, d’avoir un cadre de vie confortable avec, à proximité, des services publics, le tout dans un bassin d’emploi pour le conjoint etc.

« Le médecin présent de 7 h 30 à 20 h 00 qui enchaîne sur une permanence de soins et vit dans la commune où il exerce, ce n’est plus la manière dont les praticiens envisagent leur métier, relève le Dr Boyer. Il faut découpler le temps de présence médicale sur le territoire de la résidence familiale et de l’organisation de la permanence de soins médical. De manière générale, les carrières ne sont plus monolithiques. La figure du médecin qui soigne une vie entière dans un lieu unique ne colle plus à la réalité des jeunes générations qui attendent un exercice varié. »

Ces évolutions dans le temps et dans le mode d’exercice doivent donc être accompagnées et facilitées. « Solder ses comptes de la CARMF, quitter l’exercice libéral pour aller vers le salariat… : tout cela est très compliqué sur le plan de la charge financière, insiste le Dr Boyer. De même, le poids administratif de l’exercice libéral fait peur aux hospitaliers. Il faut abattre ces cloisons pour tous ces gens qui, in fine, produisent du temps médical au bénéfice des patients et qui veulent plus de collégialité, de sécurité dans le travail, notamment en termes de protection sociale. »

Focus sur l’attractivité médicale :

 

Sources :
2« Les médecins d’ici à 2040 : une population plus jeune, plus féminisée et plus souvent salariée », Études & résultats, Drees, mai 2017.
3« Rapport relatif aux politiques d’aide à l’installation des jeunes médecins », Sophie Augros, Déléguée nationale à l’accès aux soins, septembre 2019.
4« Le personnel et les difficultés de recrutement dans les Ehpad », Mahel Bazin et Marianne Muller, Études et Résultats, n°1067, Drees, juin 2018.
Atlas de la démographie médicale en France, Cnom, 2018,
Enquête sur l’installation des jeunes médecins, commission Jeunes médecins, Cnom, avril 2019