Ces médecins étrangers qui s’installent dans des villages français

25 septembre 2019

Les médecins diplômés hors de France sont toujours plus nombreux. Certains choisissent de s’installer dans les campagnes, lesquelles, en mal de praticiens, sont (souvent) ravies de les accueillir.

La France, un eldorado pour les médecins diplômés à l’étranger ? Possible. En 2017, l’Hexagone comptait, au total, 26 805 médecins titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, lesquels représentaient 11,8 % des médecins en activité régulière. Une hausse de 7,8 points par rapport à 2007, selon l’Atlas 2017 du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Ils viennent de Roumanie, de Belgique, d’Algérie1… et la majorité d’entre eux (62 %) choisissent d’exercer comme salariés, généralement dans des hôpitaux. Si une bonne partie opte pour la région Paca, l’Occitanie ou encore l’Île-de-France2, certains ont toutefois choisi de s’installer dans les campagnes françaises.

« Dix ans après, je suis toujours là »

C’est le cas du Dr Razvan Stroiu, médecin généraliste. Il a quitté la Roumanie en 2010 pour s’établir à Rosières, une commune de moins de 2 000 habitants située en Haute-Loire, à dix-huit kilomètres du Puy-en-Velay. « Le médecin généraliste qui y exerçait, seul à l’époque, se sentait débordé. Il a alors suggéré à la Mairie de trouver une solution. » Celle-ci s’est donc tournée vers des sites de recrutements spécialisés et « .. m’a trouvé », sourit le Docteur Stroiu qui est venu avec sa femme. « C’est elle qui, à l’origine, souhaitait venir en France, poursuit-il. Elle a fait des études de Droit à Paris, nous venions souvent en vacances dans le pays… » À l’époque, il parlait déjà bien français. « En Roumanie, c’est une langue que nous apprenons très tôt à l’école comme l’anglais », explique-t-il, même si, bien sûr, il avait un accent et qu’il cherchait parfois ses mots. « Je ne pensais pas que je réussirais mais finalement, dix ans après, je suis toujours là », se réjouit Razvan Stroiu .

Depuis, il a eu un fils et sa femme et lui ont obtenu la nationalité française. « Nous avons trouvé, ici, une atmosphère plutôt calme et tranquille », se félicite-il. Et cela lui plait. Le choix de la campagne s’est d’ailleurs imposé à lui qui vient d’une région plutôt rurale et qui sait que la frénésie urbaine ne lui convient pas. Quant à sa rémunération, ce n’est pas ce qui l’a motivé le plus. « La différence de revenus est réelle mais les médecins généralistes, en Roumanie, ne sont pas si mal payés, surtout au regard du niveau de vie sur place. Leurs revenus ont même augmenté récemment », précise-t-il. En réalité, il espérait « travailler moins qu’en Roumanie. Or, ce n’est finalement pas le cas mais je suis quand même très heureux d’être là », glisse-t-il, lui qui enchaîne les consultations du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 19 h 30, voire 20 h 30, 21 h 00 et « parfois 22h ».

« Le bouche à oreille a fini par fonctionner »

Il exerce en libéral dans une Maison de santé pluridisciplinaire (MSP). « Au début, ce n’était pas facile. Certains arrivent en reprenant la patientèle d’un praticien. Ce n’était pas mon cas et personne ne me connaissait. Le premier mois, on ne peut pas dire que j’étais surchargé de travail (rires). Mais le bouche à oreille a fini par fonctionner. », se souvient-il. Le fait qu’il vienne de loin n’a pas été un obstacle d’autant que d’autres praticiens étrangers exercent dans les environs. Comme le confirme l’une de ses patientes, Rose-Marie Avinent, 73 ans, « il est compétent mais aussi agréable, avenant et à l’écoute. Il explique bien les choses. Il fait parfois des fautes de grammaire mais il faut lui pardonner car il a quand même un bon niveau de français ! » Le Dr Stroiu est ainsi devenu son médecin traitant.

Cet exemple d’installation réussie n’est toutefois pas systématique. Dans la commune du Vigan, dans le Gard, une généraliste d’une soixantaine d’années, d’origine espagnole, est restée un an, en libéral, avant de partir brusquement. « Elle parlait très bien français, avait un bon relationnel et s’était constituée une bonne patientèle », raconte Sylvette Bélonie, adjointe au Maire chargée des Affaires sociales. Pour la soutenir, l’équipe municipale l’aidait dans toutes ses démarches administratives comme pour son secrétariat. Elle lui avait également trouvé un logement, à titre gracieux, pour neuf mois et lui louait le cabinet médical laissé vacant depuis le départ en retraite du généraliste qui l’occupait. Une aide fournie « sans regret » par la Mairie qui souhaitait ainsi faciliter et pérenniser l’installation de la praticienne. Mais, venue seule en France, « elle faisait des allers et retours tous les week-ends pour retrouver ses enfants en Espagne ». Elle a également eu des soucis de santé. Après plusieurs mois d’absence, elle a finalement fini par déménager ses affaires l’an dernier et a laissé ses clés dans la boîte aux lettres…

Une campagne sur les réseaux sociaux

Depuis, la commune recherche activement un·e remplaçant·e. Elle a également diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux, vantant le charme de la commune et, plus largement, de la région. Elle recherche un médecin… mais aussi un chirurgien-dentiste. « Suite à nos démarches, un chirurgien-dentiste bulgare, au CV élogieux et installé en France depuis quelques années, nous a contactés. Sa femme est médecin généraliste… », explique Sylvette Bélonie qui a échangé avec lui à quelques reprises par mail et par téléphone. Elle doit le rencontrer prochainement pour discuter plus amplement. La candidature semble sérieuse.

Certaines candidatures venant de l’étranger, l’étaient moins. Parmi elles, celle d’un praticien qui ne songeait qu’à… faire du tourisme dans la région. Un autre demandait, quant à lui, à la Mairie de se charger de toutes les démarches pour lui obtenir l’équivalence, en France, de son diplôme tunisien. Et puis, « un autre a finalement choisi de s’installer ailleurs », détaille Sylvette Bélonie, qui constate qu’avec l’essor des déserts médicaux en France, les petites communes doivent redoubler d’efforts et d’énergie pour attirer des praticiens, quelle que soit leur nationalité. « D’après ce que nous avons constaté, les médecins ou chirurgiens-dentistes candidats à l’installation nous interrogent, en priorité, sur le volume potentiel de la patientèle et les aides financières et matérielles proposées, pointe-t-elle. J’ai le sentiment que les communes sont, dans une certaine mesure, mises dans une forme de concurrence. »

1 Parmi les médecins diplômés au sein de l’Union européenne, 42 % ont obtenu leur diplôme en Roumanie et 16 % en Belgique. Les diplômes extra-européens ont, eux, été obtenus en Algérie (38 %) ou encore, en Syrie (11 %), par exemple.
2 Ces trois régions attirent 29 % des titulaires d’un diplôme européen.