E-santé et objets connectés : quel usage pour la pratique des médecins dans le suivi des personnes âgées ?

11 décembre 2018

La santé numérique est sur toutes les lèvres et ses promesses sont grandes notamment dans la prise en charge de la population fragile que sont les personnes âgées.
Mais concrètement, cette santé connectée est-elle utile à la pratique des médecins ? Dans quelle mesure et pour quels bénéfices ?
Le Docteur Antoine Poignant, co-fondateur de la communauté Connected Doctors, nous éclaire sur la manière dont ces nouveaux outils influencent la relation médecin-patient et, par conséquent, la pratique médicale.

Quel est l’intérêt des objets connectés et de la e-santé dans le suivi des personnes âgées ?

Dr Antoine Poignant : Les objets connectés permettent de déplacer des données plutôt que les patients, et pour les personnes âgées, ce n’est pas négligeable. Leur domicile devient leur lieu de soins. Le maintien à domicile des personnes âgées est devenu un secteur important et tout l’intérêt pour les médecins est de parvenir à surveiller leurs paramètres vitaux. Les objets connectés et la e-santé peuvent faire gagner du temps et de l’argent, mais uniquement s’il existe un véritable accès aux données de santé et à leur écosystème.
Pour le moment, leur usage est encore peu développé pour les médecins libéraux qui n’y ont pas vraiment accès.
Par exemple, si un patient se rend en consultation chez son médecin traitant avec un tensiomètre connecté, le praticien ne pourra rien en faire, il ne pourra pas le lire. La façon d’accéder aux données des objets connectés n’est aujourd’hui pas encore effective. La difficulté repose sur l’intégration des données dans le logiciel des médecins.

Existe-t-il des dispositifs connectés pour les personnes âgées permettant de transmettre des informations aux médecins ?

Dr Antoine Poignant : Il existe effectivement des dispositifs de télé-suivi très pratiques notamment le télé-suivi des personnes insuffisantes cardiaques prises en charge dans le cadre de Cardiauvergne. L’insuffisance cardiaque est une pathologie grave, première cause d’hospitalisation à partir de 60 ans. Avec ce dispositif, les patients disposent d’une balance connectée sur laquelle ils se pèsent quotidiennement et cela permet de détecter une prise de poids soudaine liée à un œdème pulmonaire. Les données de la balance sont transmises à une équipe médicale qui va pouvoir appeler le patient et l’informer de la démarche à suivre afin d’éliminer l’excès d’eau dans le corps. Ce dispositif permet de réduire la mortalité et les hospitalisations. Le médecin généraliste est impliqué dans l’inclusion de son patient dans le dispositif et reçoit les données le concernant.

Il existe également des outils en diabétologie. Auparavant, les données glycémiques de chaque patient étaient inscrites dans un carnet d’auto-surveillance. Aujourd’hui, les lecteurs de glycémie sont connectés et les données vont dans un cloud sécurisé. Le patient décide du partage de ses données avec son médecin généraliste, son pharmacien, son cardiologue, etc.

Pour les patients insuffisants respiratoires, qui doivent surveiller la saturation de leur sang en oxygène, ils peuvent porter un oxymètre de pouls permettant de suivre le rythme des battements cardiaques et repérer les arythmies cardiaques par fibrillation auriculaire, à l’origine des AVC.
La majorité des télé-suivis sont néanmoins le fait d’équipes hospitalières. Les libéraux peuvent conseiller leurs patients sur des objets connectés mais ils ont ensuite difficilement accès aux données.

Qu’en est-il du financement ?

Dr Antoine Poignant : Pour le moment, il n’existe pas de financement national en lien avec les objets connectés. Cardiauvergne par exemple, lancé en 2012, est financé par une enveloppe de l’Agence régionale de santé Auvergne. Les dispositifs sont expérimentaux et non pérennes malgré le fait qu’ils font leur preuve. C’est comme l’acte de télésurveillance, il n’est pas répertorié dans la Classification commune des actes médicaux (CCAM). En revanche, les assureurs se lancent dans le financement de tels dispositifs.

 

 

Faire avec les troubles cognitifs et la perte d’autonomie

Dans son cabinet libéral, le médecin peut parfois se sentir isolé dans la prise en charge de patients âgés touchés par des troubles cognitifs et une perte d’autonomie.
Une étude(1) de 2016 révèle que les médecins généralistes considèrent que la prise en charge des démences et des troubles du comportement chez les personnes âgées posent des difficultés, notamment en ambulatoire, ce qui justifie l’existence d’équipes mobiles de gériatrie.

Ces équipes mobiles ont pour rôle (circulaire du 18 mars 2002) de conseiller, informer et former les équipes soignantes dont les médecins pour effectuer une évaluation globale de la personne âgées (évaluation médico-psycho-sociale pour une prise en charge adéquate des situations complexes). Elle participe aussi à l’élaboration du projet de soins et du projet de vie, elle oriente la personne âgée dans la filière gériatrique intra-hospitalière, et l’oriente à la sortie de l’hôpital. Enfin, elle participe à l’organisation de sa sortie.

(1)Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 14, n ◦ 1, mars 2016

Appréhender et prendre en charge la fin de vie

La prise en charge de la fin de vie est complexe, d’autant plus lorsqu’elle se déroule au domicile du patient. Le médecin, au cœur de la coordination des soins, travaille généralement avec l’infirmière libérale et le pharmacien d’officine.
Néanmoins, ce trio « idéal » du premier recours n’empêche pas des difficultés de prise en charge. Pour se faire aider, le médecin peut solliciter l’intervention d’un réseau de soins palliatifs, qui peut accompagner l’équipe de soins et le patient à domicile.

Le médecin peut également trouver des ressources auprès du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), qui met à disposition des professionnels de santé, des outils pour savoir mieux communiquer avec leur patient sur la fin de vie, les informer et les sensibiliser. D’autant plus qu’en tant que professionnel de santé de premier recours, le médecin généraliste notamment est l’interlocuteur privilégié pour aborder les droits et dispositifs avec ses patients.
Site du CNSPFV : https://www.parlons-fin-de-vie.fr/