« Il est urgent de s’intéresser aux médecins et de mieux les accompagner dans leur carrière »

21 novembre 2016

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Mieux écouter et accompagner les médecins. Telle est la démarche adoptée au sein de l’établissement de santé mentale de la Vallée de l’Arve, en Haute-Savoie. Sa directrice des ressources humaines aussi en charge des affaires sociales, Élodie Pelletier, a mis en place un processus d’accompagnement innovant. Il repose sur des échanges permanents.

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L’analyse

Comment adapter la gestion des ressources humaines aux réalités des affaires médicales ? C’est la question que s’est posée Élodie Pelletier, directrice des ressources humaine (DRH) et directrice des affaires sociales au sein de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de la Vallée de l’Arve, à La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie). La jeune femme est arrivée en poste durant l’été 2015. « Je venais du secteur médico-social, j’étais novice sur les questions d’affaires médicales », se souvient-elle. Ce qui l’a interpellée en arrivant ? « Les médecins étaient un peu à part. Sans doute volontairement mais aussi en partie parce que la gestion de ces personnels est différente. Ils sont rarement considérés comme des agents à part entière d’un établissement », témoigne la DRH. Dès son arrivée, Élodie Pelletier a donc suivi des formations dans le domaine. Et elle le reconnaît volontiers : « J’ai appliqué ce que j’ai appris en formation et les réflexes du médico-social pour mettre en place la politique d’affaires médicales de l’EPSM ». Une politique spécifique à l’établissement, que la DRH a présenté et fait valider par la commission médicale d’établissement (CME).

« Les médecins sont rarement considérés comme des agents à part entière d’un établissement. »

Ce qui change dans la méthode ? Les échanges sont réguliers et programmés. « Nous avons mis en place des réunions hebdomadaires. Puis chaque mois, je rencontre le président de la CME », souligne la DRH. Le point est alors fait sur les effectifs mais aussi la politique d’accompagnement, la permanence des soins, les différents projets à impulser, etc. À ces échanges s’ajoutent des entretiens individuels. Et cela commence dès l’arrivée des professionnels. Trois à six mois après sa prise de poste, chaque médecin est reçu par la directrice des affaires sociales. « Il s’agit d’accompagner leur intégration dans l’établissement« , résume Élodie Pelletier. Un questionnaire leur est transmis, « une fiche d’entretien », validée également par la CME. Un moyen d’écoute et de dialogue mais aussi une manière de fidéliser les médecins. « Je vérifie si le poste est en adéquation avec les attentes du professionnel mais aussi avec ce qui lui a été présenté pendant son recrutement. C’est important de vérifier, dans ces terres de pénuries où nous pourrions avoir tendance à survendre nos postes, de voir s’ils répondent aux attentes du nouvel arrivant », reconnaît la DRH. Cet entretien permet de vérifier aussi les connaissances du site, une visite supplémentaire peut par exemple être programmée si le professionnel le souhaite. Les points positifs de l’accueil sont abordés comme les points négatifs. Relations avec la hiérarchie et avec l’ensemble des agents, connaissances de l’intranet, du classement des différentes procédures, attentes personnelles, conditions matérielles et besoins de formation, observations sur le projets médicales sont aussi évoquées.

Mieux connaître les médecins

Sur les trente-six médecins que compte l’établissement, déjà trois titulaires ont passé cet entretien depuis l’arrivée d’Élodie Pelletier dans l’établissement mais aussi chaque remplaçant. Comment ont-il réagi face à ce procédé innovant ? « Il n’y a aucun malaise. Les médecins sont au contraire rassurés de l’accueil. L’un d’eux m’a par exemple confié être étonné car en dix ans de carrière, c’est la première fois qu’il rencontrait le directeur des affaires sociales de son établissement », poursuit la DRH. L’expérience offre des avantages à l’EPSM comme aux professionnels eux-mêmes. Elle a permis par exemple de mieux connaître les centres d’intérêt de certains médecins et de leur proposer des participations à des groupes de travail sur des projets qui les intéressent tout particulièrement. « C’est une manière pour nous de mieux les accompagner, d’évoquer leur projet de carrière et de les solliciter dans les domaines qui correspondent mieux à leurs compétences et à leurs centres d’intérêt », souligne la directrice.


Ressources humaines et cellule qualité

Des rendez vous mensuel « cellule qualité et affaires médicales » ont aussi été créés. « Dans les hôpitaux, on a souvent tendance à oublier la cellule qualité mais c’est très important de travailler conjointement », reconnaît Élodie Pelletier. Cette commission analyse les fiches d’événements indésirables qui ont été rédigées par le corps médical ou qui sont en lien avec l’exercice médical. Elle est composée de la direction des affaires médicales, du président de la CME, des chefs de pôles et responsables de secteur. Elle a déjà permis des actions correctives, la rédaction de certains protocoles et procédures ou la mise en place de nouvelles formations médicales.


« Ils s’agit de créer un lien entre direction et médecins pour penser les perspectives, ensemble, au sein de l’EPSM voire aujourd’hui au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT). »

Un classeur carrière personnel

De nouvelles rencontres sont programmées tout au long de la carrière des médecins. Tous les deux ans, un entretien de carrière sera bientôt prévu pour chacun d’entre eux. Il sera mis en place au premier trimestre 2017. Cela va permettre d’échanger sur les projets menés, ceux à instaurer et les possibles évolutions de leurs besoins en formation notamment. « Ils s’agit de créer un lien entre direction et médecins pour penser les perspectives, ensemble, au sein de l’EPSM voire aujourd’hui au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) et d’harmoniser les formations médicales. Par exemple si nous souhaitons ouvrir telle ou telle structure, nous savons si dans notre équipe un médecin est intéressé pour suivre cette évolution et une formation vers ce nouveau secteur« , explique Élodie Pelletier. Et la directrice des affaires sociales souhaite aller au-delà : « Nous sommes en train de mettre en place un projet qui passera prochainement devant la CME pour validation. Il s’agit de créer un « classeur carrière personnel » remis à chaque médecin de la structure ». Livret d’accueil, fiches de procédures, formulaire de frais de déplacement, attestation de formation et copie des entretiens y trouveront place dans différents intercalaires. Un outil qui devrait vite devenir précieux pour le professionnel tout comme la commission de formation médicale. Il devrait être mis en place courant 2018.


Analyse des pratiques

En place également au sein de l’EPSM de la Vallée de l’Arve : un groupe d’analyse des pratiques médicales. Chaque trimestre, un médecin extérieur à l’établissement vient animer ce groupe, le temps d’un midi. « Il s’agit d’échanger pourquoi pas sur des cas cliniques, sur les nouveautés, de discuter dans le cadre d’une réunion de chefs de pôle et responsables de secteur », détaille Élodie Pelletier. Il est aussi question de la rédaction du nouveau projet social et managérial de l’établissement auxquels les médecins, comme les autres agents, sont associés.


Du mieux-être au travail

Au quotidien, la recherche de dialogue est constante. Les médecins sont par exemple encouragés à rencontrer un médecin du travail lorsque cela est nécessaire, des dispenses d’astreintes et de gardes temporaires peuvent être envisagées si besoin. « Des mesures très bien accueillies dans les équipes, nous constatons beaucoup de compréhension« , résume la DRH. Et selon elle, il était urgent de mettre en place ces dispositifs : « Nous mettons tellement de choses en place pour les personnels non médicaux, pourquoi ne pas en faire autant avec les médecins ? En arrivant, j’ai eu quelques chocs en voyant que tel ou tel médecin avait suivi des formations dans telle ou telle discipline et que, lorsque des postes de ce type ont été ouverts, personne n’a pensé à leur proposer. Je pense que cela s’est fait de manière involontaire, par méconnaissance de leurs souhaits et de leur compétences, c’est à cela que j’ai voulu remédier« , confie-t-elle. Mais ce dispositif, applicable dans une petite structure, est-il transposable au plus gros établissements ? « Mes collègues de ressources humaines me font souvent cette remarque : « c’est facile pour toi, tu n’as que trente-six médecins à suivre ». Mais je suis aussi directrice des ressources humaines de l’ensemble des agents. Ce doit être une vraie volonté de l’établissement. Bien sûr, cela pourra évoluer, s’adapter à la réalité de chaque établissement mais je crois que c’est possible, avec de l’écoute et du dialogue« , soutient Élodie Pelletier.

Son initiative a d’ailleurs trouvé un écho dans le travail de l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) qui l’a consultée pour son rapport en préparation sur la vie au travail des médecins et leur accompagnement. L’établissement a aussi reçu les encouragement du Centre national de gestion (CNG) pour cette démarche innovante. Même si la DRH a été surprise — « je ne pensais pas que la démarche était inédite, cela me semble aller de soi » —, cela l’encourage à poursuivre dans cette voie. « Dans un contexte de pénurie, de souffrance au travail, il est urgent de se doter d’un accompagnement et de viser une qualité de vie au travail plus adaptée. Il sera toujours plus agréable de travailler ensemble et de continuer à constituer des projets pour rendre un meilleur service à nos usagers« , conclut Élodie Pelletier.

Article Hospimedia
par Clémence Nayrac

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