Jacques-Olivier Dauberton : jeune médecin de campagne heureux

2 juin 2017


« J’ai fait des études pour soigner les gens mais je veux aussi prendre soin de ma famille ». Jacques-Olivier Dauberton, 37 ans, est médecin généraliste depuis bientôt 3 ans au sein d’une maison de santé à Saint-Rémy-en-Bouzemont, petit village de 500 habitants dans la Marne.
Rencontre avec un jeune praticien heureux en zone rurale.

Interview issue de Visions du soin par Rédaction MNH Group

 

Bonjour Jacques-Olivier, pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Jacques-Olivier Dauberton : Je suis Guadeloupéen de naissance, Stéphanois d’adoption et Rémois depuis dix ans. Après des études de médecine à Saint-Etienne (Loire) et un internat à Saint-Dizier (Haute-Marne), je me suis installé comme médecin généraliste à Saint-Rémy-en-Bouzemont en décembre 2014.

Comment décide-t-on de s’installer à Saint-Rémy-en-Bouzemont ?

J-O D. : On ne s’installe pas ici par hasard ! Durant mon externat, j’ai rencontré une marnaise qui est devenue ma femme. Ensemble, nous avons fait le choix de « remonter » dans la Marne pour mon internat. Lorsque j’étais au Centre Hospitalier de Saint-Dizier, qui se trouve à une vingtaine de kilomètres de Saint-Rémy, j’ai entendu parler du projet de création d’une maison de santé sur cette petite commune. Ce projet me paraissait cohérent avec la manière dont j’avais envie d’exercer mon métier au quotidien. Je me suis investi, avec des infirmières, pour que le projet aboutisse.
Avant de m’engager, j’ai tout de même effectué quelques remplacements dans des cabinets isolés pour me faire une idée. Je me suis vite aperçu que ce n’était pas ce que je souhaitais. J’aime l’échange et je tenais à travailler avec une équipe de professionnels pluridisciplinaire. Être seul, cela ne m’intéresse pas. J’ai vraiment pris la décision de m’installer à Saint-Rémy quand j’ai eu la certitude que la maison de santé verrait le jour. Je suis arrivé en décembre 2014 et la maison de santé a ouvert ses portes en mars 2015.

Sans le projet de maison de santé vous n’y seriez pas allé ?

J-O D.  : Non, je ne pense pas. Le médecin du village que j’ai remplacé était installé depuis 1978 à Saint-Rémy. Il travaillait 24h/24, toute la semaine. Il n’avait pas de secrétaire. C’était le « vrai » médecin de campagne comme on peut l’imaginer. Il ne s’arrêtait que le week-end où il descendait retrouver sa famille en Corse.
Je n’avais pas envie d’exercer mon métier de cette manière. J’ai fait des études pour soigner les gens mais je veux aussi prendre soin de ma famille. Il était impensable pour moi de ne me consacrer qu’à mon travail. Je ne considère pas mon métier comme un sacerdoce et je pense que je ne suis pas le seul médecin à le penser.

À quoi ressemble votre quotidien ?

J-O D.  : Pour des raisons pratiques, j’habite à Reims où travaille ma femme. Nous voulions une vie urbaine pour nos enfants. J’ai une heure de route pour aller au travail, comme beaucoup de parisiens finalement. Je suis content de venir travailler à la campagne. Chaque matin, je dépose mes enfants à l’école en partant. J’arrive à mon cabinet à 9h. La maison de santé ouvre à 8h.
J’assure entre 30 et 40 rendez-vous le lundi, jour des consultations libres. Et le reste de la semaine en moyenne 25 consultations. Je repars le soir entre 19h00 et 19h30. J’ai fait le choix de ne pas travailler tous les mercredis et un samedi sur deux pour pouvoir m’occuper de mes enfants. C’était non négociable. Je pars du principe qu’à la maison de santé on travaille en équipe et que, si je ne suis pas là, une des infirmières peut prendre le relais en cas d’urgence.
Certains patients ne le comprenaient pas au début. J’ai entendu des : mais votre femme ne peut pas s’en occuper ? Auxquels j’ai répondu : mais ma femme travaille aussi ! Désormais, ils savent que le docteur Dauberton ne travaille pas le mercredi et personne ne s’en plaint.

Comment êtes-vous organisé au sein de la maison de santé ?

J-O D.  : Au départ nous étions 2 infirmières et moi. Nous avons été ensuite rejoints par un psychologue et une podologue et, depuis six mois, une orthophoniste et un kinésithérapeute. Le fait d’être réunis sur un même lieu nous permet de travailler et d’avancer ensemble. On se répartit certaines tâches sur les soins. Je pense, par exemple, qu’une infirmière est meilleure que moi sur certaines pathologies, comme les plaies. La force d’une équipe de soins c’est d’avoir chacun un rôle défini.
Mais on ne va pas se mentir, pour remplacer le médecin parti à la retraite qui réalisait entre 60 et 70 consultations par jour, nous avions estimé qu’il fallait 2 médecins et demi. Pour l’instant, je suis tout seul et, même si notre organisation a été optimisée, nous cherchons un autre médecin intéressé pour venir rejoindre l’aventure. Je serais heureux de pouvoir partager avec un collègue sur l’aspect médical.

Comment est perçue cette structure par les habitants ?

J-O D. : Il a fallu, au départ, « éduquer » la population. Nous sommes installés sur un bassin vieillissant d’environ 4 000 habitants, avec beaucoup de personnes âgées isolées et peu mobiles. Souvent, seul le mari conduit ou conduisait. Nous avons donc organisé un système de covoiturage qui nous a permis de diminuer le nombre de visites à domicile qui n’étaient pas toujours indispensables. J’assure uniquement les urgences.
Nous avons mis en place une prise en charge plus rationnelle des patients. Dans ce sens, nous essayons, par exemple, d’anticiper le renouvellement des traitements. J’ai regroupé ces visites au mardi.
On s’appuie aussi sur les professionnels de santé du secteur. Pour les sorties de l’hôpital de Vitry-le-François, on travaille avec un réseau d’infirmiers libéraux pour passer voir le patient et s’assurer qu’il puisse appeler une personne en cas d’urgence.

Quelle est la place de cette maison de santé dans l’écosystème de santé local ?

J-O D. : Le regroupement sur un même lieu d’une communauté de professionnels de santé a posé des questions au début. Il fallait rassurer les autres professionnels. Aujourd’hui, après deux ans d’existence, notre rôle est bien identifié.
Ce type de structure, il me semble, répond bien aux problématiques de santé en milieu rural. Mieux nous sommes organisés, mieux le patient est pris en charge.

Quel est votre premier bilan après presque 3 ans d’installation ?

J-O D. : Je ne suis pas encore à l’heure des bilans. On verra dans quelques années. Je considère que je ne suis qu’au début de l’aventure. Mais une chose est certaine : j’ai trouvé mon équilibre. Je ne travaille pas moins mais mieux. Cela sous-entend une vraie organisation.
Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les femmes qui veulent pouvoir se consacrer davantage à leur famille. La féminisation de la médecine a permis de faire évoluer les mentalités.
Alors oui, travailler à la campagne continue à faire peur. Mais des solutions, comme les maisons de santé, permettent de nouveaux modes d’organisation et surtout de sortir de l’isolement. J’espère montrer que l’on peut être généraliste en milieu rural et heureux !

 

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