Jean-Marc Sène, le médecin de l’équipe de France olympique de judo

27 avril 2016

article2
Télécharger l’article en PDF

Médecin ? « Une vocation », bien sûr, répond d’emblée Jean-Marc Sène : « C’est un métier extrêmement noble, presque miraculeux que de pouvoir soigner les maux. » Un atavisme aussi avec une mère aide-soignante devenue par la suite infirmière hospitalière. Diplômé de médecine générale à l’université de Tours en 2001 mais aussi ceinture noire de judo et classé au tennis, le jeune praticien s’est orienté sciemment vers la médecine du sport, une discipline à l’époque encore atypique et loin d’être prestigieuse : « Un de mes professeurs en deuxième année nous répétait que le sport est mauvais pour la santé et que l’on a d’ailleurs créé une médecine pour ça ! Néanmoins, j’ai tout de suite aimé l’état d’esprit de cette patientèle : elle a envie de se soigner et de guérir. Et, pour le médecin, c’est un challenge permanent : il est poussé dans ses retranchements et confronté à l’excellence. Il lui faut être très précis dans son diagnostic d’autant qu’il est parfois le dernier espoir de l’athlète. »

Formation permanente

Autre spécificité de la médecine du sport, « sa dimension globale, transversale et holistique ». « On ne peut pas segmenter les choses, explique le Docteur Sène. Au contraire, on étudie l’individu dans son ensemble et sa diversité. C’est pour cela qu’à mes yeux, la meilleure formation pour être médecin du sport, c’est d’être, à la base, médecin généraliste. Plus précisément, cela est nécessaire mais pas suffisant. » C’est pourquoi Jean-Marc Sène a ensuite étoffé son CV en accumulant les diplômes : capacité de médecine du sport, DEA en physiologie et de biomécanique de la performance motrice à la Faculté de Rennes et une dizaine de DU dans diverses matières (traumatologie du sport, podologie, nutrition du sportif, mésothérapie, préparation physique…) Une boulimie motivée par la volonté de peaufiner sa formation et « de pouvoir échanger avec chaque professionnel du sport en ayant un bon niveau de connaissances ».

« J’ai appris la vraie traumatologie au bord des tatamis »

Praticien attaché au service de médecine du sport à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) dès 2002, Jean-Marc Sène crée, dans le même temps, une unité de médecine du sport au CH de Chartres où il officie en tant que praticien attaché en rhumatologie et en pneumologie. L’idéal puisque sa spécialité fait la part belle à la traumatologie et à la physiologie. L’entité est alors délocalisée au sein des différents services afin de pouvoir multiplier les moyens de chacun d’eux (appareils d’épreuve d’effort, d’ostéodensitométrie etc.) Parallèlement, l’ancien judoka devient, en 2001, médecin du comité départemental d’Eure-et-Loir de judo puis, en 2003, de la Ligue du Centre (TBO) et du pôle France d’Orléans. « Le terrain est un mode d’exercice extrêmement enrichissant, justifie-t-il. J’ai aussi appris la vraie traumatologie au bord des tatamis, en surveillant des compétitions. C’est comme ça que j’ai fait mes premières armes. »

Une succession de rencontres et d’opportunités

La suite est une succession d’opportunités saisies au gré du bouche-à-oreille : médecin de l’équipe de France féminine des -19 ans de football de 2005 à 2009, puis de l’École interarmées des sports (EIS) à Fontainebleau à partir de 2006 avec pour mission d’assurer le suivi des sportifs de haut niveau de la Défense en disposant, pour ce faire, de moyens logistiques conséquents. Enfin, en 2012, avant les JO de Londres, la Fédération française de judo le sollicite pour être médecin des équipes de France seniors, masculine et féminine, en tant que salarié à temps partiel. Parallèlement, Jean-Marc Sène fait le choix de s’installer en libéral, à Paris, afin d’être pleinement maître de son emploi du temps et de son activité puisqu’il a récemment ouvert le centre Santé Plus Sport dont la finalité est d’aider les patients à renouer avec l’activité physique.

« Être toujours très libre dans la discussion diagnostique »

Avec un leitmotiv immuable qui vaut tant pour les champions que pour les anonymes : « Être toujours très libre dans la discussion diagnostique, ne pas hésiter à solliciter un autre avis médical et toujours écouter les désirs de l’athlète afin que ce dernier ne se sente jamais prisonnier d’une seule voix et conserve sa liberté de suivre ou pas la recommandation du médecin. Il faut protéger sa santé tout en évitant de lui faire perdre une chance de monter sur le podium. » Un équilibre parfois cornélien.

Pour l’amour du sport…

Distinguer médecin fédéral du médecin d’équipe

Tout d’abord, il convient de distinguer le médecin fédéral du médecin d’équipe. Le premier a en charge la politique d’une fédération sportive. Il la supervise et la met en place en conformité avec les directives du ministère des Sports mais aussi de l’Association française de lutte contre le dopage (AFLD), qu’il s’agisse du haut niveau ou du sport de masse. Le second, lui, suit les athlètes d’une équipe nationale aussi bien sur le lieu d’une compétition que tout au long de l’année, en particulier en cas de survenue d’une blessure mais pas seulement.

Un investissement-passion

C’est l’amour du sport qui dicte pareil investissement. « Les deux fonctions prennent beaucoup de temps et exigent d’être disponible, confirme Jean-Louis Llouquet qui a longtemps officié au sein de la Fédération française de boxe. Outre la nécessité évidente de bien connaître la discipline et, mieux, de l’avoir soi-même pratiquée, il faut donc être vraiment motivé car beaucoup de médecins ne sont que défalqués. Seules les fédérations les plus riches ont les moyens de les rémunérer, voire de les salarier. »

Des moments exceptionnels comme récompense

Jean-Louis Llouquet sait de quoi il parle puisqu’en tant qu’ophtalmologiste libéral, il devait, à chaque fois qu’il était réquisitionné pour une échéance majeure, solliciter à ses frais un remplaçant à son cabinet. Une astreinte qu’il ne regrette pourtant pas : « La boxe m’a bien plus coûté qu’elle ne m’a rapporté mais j’ai eu le privilège de vivre des moments exceptionnels. Et si le médecin du sport ne fait pas le champion, il participe néanmoins à la performance en tant que professionnel de santé mais aussi souvent en tant que confident. »

Tags : ,

Ces articles peuvent également vous intéresser