L’exercice libéral à l’hôpital

20 juin 2018

L’activité libérale de médecins au sein des établissements hospitaliers publics est encadrée. Un cadre qui a été renforcé en 2017. Hôpitaux et praticiens doivent donc être vigilants au respect des règles contractuelles.

Environ 4 500 praticiens hospitaliers exercent une activité libérale à l’hôpital, soit environ 11 % de l’ensemble de ces professionnels de santé. La majorité des contrats d’activité libérale concerne les activités chirurgicales et la gynécologie obstétrique (plus de 60 %).

L’activité libérale des praticiens hospitaliers a toujours existé et est encadrée. Une ordonnance du 12 janvier 2017 et un décret du 11 avril 2017 ont cependant revu les modalités de cette activité au sein des établissements hospitaliers publics.
Les médecins désirant avoir une activité libérale à l’hôpital doivent répondre à plusieurs obligations.
Ils doivent être des praticiens statuaires à temps plein et adhérer à la convention médicale établie entre les médecins et l’Assurance maladie. L’ article L6154-2 du Code de santé publique, modifié par l’ordonnance du 12 janvier 2017, précise aussi que les médecins doivent répondre à une triple condition :

  • qu’ils exercent personnellement et à titre principal une activité de même nature dans le secteur hospitalier public ;
  • que la durée de l’activité libérale n’excède pas 20 % de la durée de service hospitalier hebdomadaire à laquelle sont astreints les praticiens ;
  • que le nombre de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité libérale soit inférieur au nombre de consultations et d’actes effectués au titre de l’activité publique.

L’établissement a, de son côté, l’obligation d’établir une charte de l’activité libérale intra-hospitalière.

Un contrat entre le praticien et l’établissement

L’activité libérale doit faire l’objet d’un contrat entre le praticien et l’établissement de santé. Un contrat type d’activité libérale a été établi par voie réglementaire ( art. R.6154-4 – annexe 61-2 du Code de santé publique). Il est établi pour une durée de 5 ans.
Le directeur de l’établissement transmet ensuite ce contrat au directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) avec son avis et ceux du chef de pôle et du président de la commission médicale d’établissement. Le directeur général de l’ARS a deux mois à compter de la réception du contrat pour l’approuver. A défaut d’opposition dans ce délai, le contrat est réputé approuvé. Cette approbation vaut autorisation de l’activité libérale.

Le contrat prévoit notamment que le praticien doit « s’identifier dans le système d’informations comme réalisateur des actes et consultations, en précisant que ces derniers sont réalisés au titre de son activité publique personnelle » et à fournir tous les trimestres au directeur de l’établissement et au président de la commission de l’activité libérale, « le tableau de service réalisé ainsi qu’un état récapitulatif de l’exercice de l’activité libérale précisant le nombre et la nature des actes et des consultations effectués au titre de chacune d’elles ».

Autre clause importante : celle qui engage le praticien, en cas de départ temporaire ou définitif (hors départ à la retraite), à ne pas s’installer, à proximité de l’établissement public pendant une période au minimum égale à six mois et au maximum égale à vingt-quatre mois, et dans un rayon au minimum égal à trois kilomètres et au maximum égal à dix kilomètres. Son non-respect entraîne le versement d’une indemnité compensatrice dont le montant est défini au contrat Cette disposition n’est cependant pas applicable aux médecins de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, aux Hospices civils de Lyon et à l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille.

Le contrat spécifie également la redevance que le praticien verse à l’hôpital au titre de son activité libérale. Cette redevance, qui est fixée en pourcentage par rapport aux honoraires, correspond au dédommagement de l’hôpital pour l’usage de ses locaux, du prêt de ses équipements et éventuellement de la participation du personnel hospitalier (article L6154-3 du CSP).

Une activité surveillée

Malgré un cadre contractuel, l’activité libérale des praticiens fait l’objet d’un contrôle renforcé par les derniers textes. La commission locale de l’activité libérale de chaque établissement de santé peut ainsi saisir le directeur de l’établissement et le président de la CME dans les cas où l’organisation des activités médicales publiques rencontre des difficultés du fait de manquements d’un praticien dans l’exercice de son activité libérale du non-respect des clauses de son contrat. Elle définit également un programme annuel de contrôle des conditions d’exercice de l’activité libérale au sein de l’établissement. Enfin, la Commission régionale de l’activité libérale est consultée lorsque le directeur général de l’ARS décide de suspendre ou de retirer l’autorisation d’exercer à un praticien hospitalier.

Les médecins libéraux à l’hôpital

L’article L6146-2 du Code de la santé publique prévoit que « dans des conditions fixées par voie réglementaire, le directeur d’un établissement public de santé peut, sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d’établissement, admettre des médecins, sages-femmes et odontologistes exerçant à titre libéral ». Un contrat est alors établi entre le médecin libéral et l’établissement de santé afin de fixer les conditions et les modalités de leur participation aux missions de l’établissement. Ce contrat doit être approuvé par le directeur général de l’agence régionale de santé. A noter que le médecin libéral peut aussi avoir une activité à l’hôpital dans le cadre de groupements de coopération sanitaire.

Témoignage :

« La grande majorité des hôpitaux de proximité fonctionnent grâce à l’exercice mixte »

Christian de Gaye, médecin généraliste en ville et à l’hôpital, Président de l’Association des médecins généralistes des hôpitaux locaux

« Médecin généraliste à Mauléon Soule, une ville de 3000 habitants dans les Pyrénées Atlantiques, je travaille dans un groupe médical qui compte quatre médecins. Dans notre commune se trouve également un hôpital de proximité. Lorsque je me suis installé à Mauléon, je me suis tout de suite intéressé à l’hôpital local et à son fonctionnement : dans une ville de petite taille comme la mienne, j’ai trouvé cela important par intérêt pour les soins de mes patients. De fait, je m’y suis tellement intéressé que je suis aujourd’hui président de la commission médicale d’établissement (CME), médecin coordonnateur et président de l’Association des médecins généralistes des hôpitaux locaux (ANCHL). Et je ne suis pas le seul : sur les sept médecins que comptent Moléon, cinq d’entre nous exercent à la fois en ville et à l’hôpital. Selon moi, la clé d’une activité mixte réussie et efficace est l’organisation. Elle est essentielle, tant dans le cabinet médical qu’à l’hôpital. Sur ce plan, le fait de travailler dans un cabinet médical où nous sommes plusieurs est un avantage : tous les médecins du cabinet exerçant également à l’hôpital, nous aménageons nos horaires ensemble.

 Bien sûr, passer de l’exercice médical ambulatoire à l’exercice hospitalier n’est pas sans poser certaines difficultés de fonctionnement.      

Cela nécessite de l’adaptabilité de la part des médecins généralistes mais il faut également que les établissements jouent le jeu et participent à faciliter leur intégration ainsi que les différents modes d’exercice. D’autant que la réglementation et les normes (certification, qualité, tâches médicales à accomplir etc.) en vigueur sont les mêmes pour tous les établissements quelle que soit leur taille. Or, un médecin libéral n’en a pas forcément connaissance : il faut donc qu’ils soient bien accompagnés par l’établissement sur ce point. Enfin, la réussite passe par un dialogue réel entre le président de la CME et la direction : le binôme médecin-directeur est très important et doit être soigné.

En ayant un exercice mixte, l’objectif est d’avoir un suivi continuel et permanent de mes patients du début à la fin de leurs soins, en ambulatoire comme à l’hôpital. Il n’y a pas de rupture avec le domicile : patients comme médecins s’y retrouvent. En effet, avoir des généralistes libéraux qui exercent dans la structure permet d’inscrire l’ambulatoire dans l’hôpital. Il est d’ailleurs regrettable qu’il n’y ait aucune formation durant les études de médecine sur ce mode d’exercice : les étudiants ne le connaissent pas et le découvrent bien souvent lors de leur venue en stage. D’autant que la grande majorité des hôpitaux locaux de proximité – qui ne sont plus aujourd’hui que 150 (contre 365 en 2000 avant la réforme et les regroupements) – travaillent essentiellement avec des médecins en exercice mixte. »

Exercice mixte : les points de vigilance

  • Si vous optez pour l’exercice mixte, vous devrez choisir votre mode d’exercice principal. «Par défaut le libéral prime », rappelle l’URPS des médecins d’Ile de France sur son site www.soignereniledefrance.org. L’exercice salarié devient principal « sous réserve que vous puissiez justifier de 1 200 heures de salariat dans une année civile et d’un revenu salarié au moins égal à votre revenu libéral ». Cette qualification a des conséquences sur vos régimes de couverture sociale, qui se déterminent « une fois par an en fonction de l’activité principale de l’année précédente ».
  • En cas d’exercice salarié principal, « il est préférable de choisir un exercice libéral sous la forme de remplacement ou de collaboration, ce qui compte tenu de votre faible activité libérale, vous évite de porter la gestion du mode libéral », conseille l’URPS.
  • Salariés ? Relisez votre contrat de travail pour vous vérifier qu’aucune clause n’interdise l’exercice libéral.
  • Libéraux ? Vous ne pouvez vous faire remplacer au cabinet lorsque vous êtes en train d’exercer en salariat. En outre, « attention aux interférences entre vos deux exercices » : le salariat ne doit pas vous permettre « d’accroître la patientèle libérale », complète l’union représentative des médecins libéraux d’Ile de France.

Quid de l’exercice mixte en établissement privé ?

Dans les établissements de soins privés, les médecins exercent, pour la plupart, en statut libéral (gastroentérologues, anesthésistes, ophtalmologistes…). Généralement conventionnés secteur 2, ils ont signé un contrat d’exercice libéral avec l’établissement, versent à ce dernier l’équivalent des éventuels frais de mise à disposition de locaux, de matériel et de secrétariat et, enfin, fixent eux-mêmes le montant de leurs prestations médicales (consultations, explorations, opérations chirurgicales etc). Certains de ces médecins exercent aussi en ville au sein d’un cabinet ou d’une maison de santé pluri-professionnelle.
Au-delà de ce modèle classique, « des médecins salariés à temps partiel à l’hôpital », ayant le statut de Praticiens hospitaliers à temps partiel, exercent « une ou plusieurs demi-journées » à titre libéral en ville ou en clinique, précise le Portail d’accompagnement des professionnels de santé (www.paps.sante.fr). La Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France (FHP) et les syndicats de médecins précisent toutefois qu’il en existe peu à l’heure actuelle. Pour les PH intéressés, les syndicats de médecins leur conseillent de vérifier que le taux des charges relatives à leur activité libérale n’est pas trop important pour eux. Ils les invitent également à être vigilants pour éviter de se voir reprocher une « sélection des patients » en fonction du secteur où ils agissent.