Médecin libéral ou salarié, les deux modes d’exercice dans le secteur privé lucratif

17 août 2016


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En France, il existe environ 1 030 établissements privés à but lucratif répartis entre des grands groupes nationaux, des groupes régionaux ou encore des cliniques indépendantes. Si l’essentiel des médecins y exerce en tant que professionnel libéral, certains ont le statut salarié. Explications.

Un exercice dans des cliniques privées, lucratives, mais pas libres

« La particularité du système de santé français tient au fait que les cliniques privées sont soumises à la même réglementation économique que les hôpitaux publics ou que les établissements privés associatifs », explique Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, Déléguée générale de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Ainsi, le fait qu’elles soient privées ne leur donne pas la liberté de s’installer comme elles l’entendent : comme pour les hôpitaux publics ou les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic, les établissements privés non lucratifs), les cliniques et hôpitaux privés doivent obtenir une autorisation de l’Agence régionale de santé (ARS).

De même, « les cliniques n’ont pas de liberté tarifaire, ajoute la Déléguée générale de la FHP. Les tarifs sont réglementés. Il appartient à la puissance publique de fixer par pathologies – il existe 2400 groupes homogènes de soins (GHS) – le montant facturable par la clinique au patient. » En revanche, malgré ce contexte très encadré, le médecin exerçant en statut libéral au sein de la clinique, généralement conventionné secteur 2, fixe le montant de sa prestation médicale (tout en respectant le principe de tact et mesure).


L’hospitalisation privée à but lucratif en chiffres

  • 1 030 établissements employant environ 150 000 salariés.
  • 40 000 médecins libéraux et 4 000 médecins salariés.
  • 14 milliards de chiffre d’affaires et 656 millions d’euros d’investissement annuel.
  • 9 millions de patients.
  • 40 % des patients atteints du cancer y sont pris en charge.
  • 70 % de la chirurgie ambulatoire en France y est effectuée.
  • 17 % de l’ensemble des ressources hospitalières (80 milliards d’euros).

Source : FHP


Quels statuts pour les médecins exerçant en clinique ?

Deux statuts sont possibles pour le médecin : libéral ou salarié. Dans les faits, aujourd’hui, 90% des praticiens ont choisi le statut libéral : « Sur 40 000 médecins exerçant en cliniques privées, seuls 4 000 d’entre eux sont salariés », indique Élisabeth Tomé-Gertheinrichs.

Les principales caractéristiques du statut libéral en clinique

Le principe du statut libéral en clinique est simple : le médecin facture ses actes et consultations au patient et reverse une redevance à la clinique pour l’usage des lieux et services.

  • Pour l’utilisation des moyens matériels et humains de la clinique, le médecin verse une redevance fixée par contrat. Cette redevance couvre, entre autres, l’usage du plateau technique, les temps de secrétariat, le téléphone etc. « La clinique a pour responsabilité de mettre à disposition du médecin libéral un outil conforme à la législation et aux règles de sécurité », rapporte le Dr François Arnault, Délégué général en relation interne et chargé des questions d’hospitalisation privée au Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Selon une enquête réalisée par le Syndicat des médecins de l’hospitalisation privée (Symhop) publiée en mai 2016, 4 % des établissements facturent des montants de frais réels avec une justification, le reste des cliniques appliquant un pourcentage sur les honoraires, ce pourcentage étant compris, dans la grande majorité des cas, entre 4 % et 10 % des honoraires.
  • « Les médecins libéraux sont rémunérés à l’acte par la Sécurité sociale, précise le Dr Jean-Luc Baron, Président de la Conférence nationale des Présidents de CME. La somme est versée sur un compte mandataire appartenant à la conférence médicale d’établissement qui effectue le reversement. » La CME de la clinique facture cette gestion des comptes. Ces frais entrent dans le calcul de la redevance globale versée par le praticien à l’établissement. Dans ce cadre, le médecin peut choisir le secteur de conventionnement : secteur 1 (dit à honoraires opposables) ; secteur 2 (dit à honoraires libres).
  • Le contrat d’exercice libéral doit être soumis au Conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM). « Cette consultation permet d’éviter les clauses abusives mais l’avis de l’Ordre n’est que consultatif », précise le Dr François Arnault. Les contrats sont intuitu personae, il n’existe pas de contrat collectif. « Il y a encore quelques années, il existait des contrats d’exclusivité d’activité qui liaient les médecins libéraux aux cliniques mais cela n’existe plus », fait savoir Jean-Luc Baron.

Bientôt un modèle de contrat

Le Comité de liaison et d’action de l’hospitalisation privée (CLAHP), qui regroupe l’ensemble des syndicats médicaux, la FHP, la Conférence nationale des présidents de CME et l’Ordre, mène un travail sur la rénovation des contrats. L’objectif est d’en redéfinir les contours pour qu’il y ait un statut uniforme sur l’ensemble du territoire et pour protéger les médecins ainsi que les cliniques. À l’heure actuelle, « le contrat est très juridique, regrette Élisabeth Tomé-Gertheinrichs. Il règle uniquement ce qui est relatif aux modalités des redevances et aux conditions de séparation. Nous voulons l’élargir et y parler d’indépendance des médecins, de règles déontologiques, de confidentialité de l’information médicale, du projet médical et du projet d’établissement… » L’objectif est de faire en sorte que ce contrat soit soutenu par l’Ordre et diffusé. Mais il ne pourra pas être opposable.


Les principales caractéristiques de l’exercice salarié

Dans le cas où le médecin est salarié, il est lié à la clinique ou à l’hôpital privé par un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée, engendrant alors un lien de subordination. « Contrairement aux libéraux, le médecin salarié n’a pas d’indépendance financière, souligne le Dr Baron. Cependant, il demeure indépendant eu égard à ses missions de prescription » précise-t-il. Élisabeth Tomé-Gertheinrichs d’ajouter que « le lien de subordination est également limité par le code de déontologie qui est réglementairement opposable. Le directeur de la clinique ne peut pas s’y soustraire. »

La responsabilité du médecin exerçant en clinique

Les médecins libéraux ou salariés exerçant en clinique doivent souscrire une assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP). « Le médecin salarié va, la plupart du temps, être couvert par l’établissement qui l’emploie sauf pour les fautes détachables du service », souligne Jean-Luc Baron. Or, la jurisprudence détache l’acte médical de son contexte.

L’impact des derniers changements législatifs

La loi de modernisation de notre système de santé, adoptée en janvier 2016, permet aux cliniques privées de faire une demande d’adhésion au Service public hospitalier (SPH). Cette adhésion est toutefois conditionnée au fait que les médecins libéraux qui y exercent ne peuvent en aucun cas pratiquer des dépassements d’honoraires. Cette obligation de pratiquer des tarifs de secteur 1 n’incombe pas aux cliniques déjà actrices du Service d’accueil des urgences (SAU).

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