Médecins généralistes en libéral : quelle image du métier ?

20 juin 2018

Quelle vision les médecins généralistes installés en libéral ont-ils de leur métier ? Deux médecins, le Dr Patrick Laine, médecin généraliste installé depuis 36 ans en milieu rural à Saulnot (Haute-Saône) et le Dr Lisa Bourdin, médecin généraliste à Bordeaux depuis début juin, ont accepté de se confier à Profil Médecin.

Quel regard portez-vous sur votre exercice et sur votre spécialité en particulier aujourd’hui ?

Dr Laine – J’ai épousé une très belle profession qui nécessite effectivement des qualités d’écoute et d’empathie. Il faut donner du temps au patient car l’implication émotionnelle est importante si on souhaite exercer ce métier comme je l’ai fait. L’échange avec le patient est très enrichissant et pour rien au monde, je ne regrette d’avoir choisi ce métier. A la campagne, nous parvenons à fidéliser plus facilement les patients, car nous avons la chance d’être un médecin de famille. C’est une notion capitale, nous soignons plusieurs générations d’une même famille. C’est merveilleux car nous connaissons l’histoire de nos patients. J’essaye de faire la promotion de la médecine générale en libéral à la campagne car cette médecine est globale. Il faut avoir des connaissances dans toutes les spécialités car nous n’avons pas accès aux spécialistes rapidement. Dans mon cabinet, je fais de la pédiatrie, de la gynécologie, de la cardiologie, de la dermatologie, de la petite chirurgie, des infiltrations. Mais bien entendu, je passe la main à mes confrères lorsque je n’ai pas la réponse. Cette médecine à la campagne est vraiment très intéressante.

Dr Bourdin – J’ai une vision positive de mon métier mais il est vrai que je ne suis pas encore saturée par des années de travail. Je le trouve très gratifiant, je me sens utile. En tant que jeune médecin, j’ai une pratique propre à ma génération : je travaille moins pour être davantage disponible pour ma vie personnelle et mes patients. Je trouve que cela rend la pratique plus agréable aujourd’hui. Il est vrai qu’elle a évolué, nous ne faisons plus la même médecine. Nous ne sommes plus « le médecin de famille » comme autrefois, il y a moins de visite à domicile. Dans mon cabinet, j’en fais encore mais uniquement lorsque c’est indispensable. On peut le regretter. Mais c’est aussi lié à la digitalisation de la société. Les patients ont accès à beaucoup plus d’informations qu’avant. Nous constatons aussi un nomadisme médical notamment parce que les familles déménagent plus qu’avant et changent de médecins. Cela ne nous empêche pas de garder le lien social et d’aider les patients physiquement et psychologiquement.

Pourquoi avoir choisi cette spécialité et le secteur libéral ?

Dr Laine – Je suis fils d’un médecin généraliste qui exerçait à Annecy et d’une mère pédiatre. J’avais des prédispositions car je connaissais les métiers de mes parents. J’ai choisi la médecine générale car je voulais soigner les patients dans leur globalité et non un organe. Après avoir expérimenté l’exercice à la campagne lors de remplacements, j’ai fait le choix de racheter la patientèle d’un médecin en milieu rural. Je n’ai pas voulu reprendre la patientèle de mon père car je ne voulais pas exercer en ville où les pathologies sont d’après moi davantage saisonnières. Les médecins font davantage de la bobologie, et les patients ont tous leurs spécialistes, les médecins généralistes sont donc moins sollicités.

Dr Bourdin – J’ai choisi la médecine générale car je ne me retrouve pas dans les spécialités d’organes dont le champ d’action est selon moi rétréci. J’aime prendre en charge le patient dans sa globalité et non une maladie uniquement. C’est le grand atout de la médecine générale. Je me suis orientée vers le libéral comme la majorité des médecins généralistes, pour être mon propre patron. Je choisis mes horaires, mon lieu d’exercice, mes patients. Aujourd’hui, j’exerce dans une structure pluridisciplinaire avec un autre médecin, des masseurs-kinésithérapeutes, des ostéopathes, des sages-femmes. C’est très intéressant car nous pouvons travailler ensemble sur des protocoles et nous prenons en charge des patients en commun.

A quelles difficultés êtes-vous confrontés au quotidien ?

Dr Laine – Aujourd’hui, j’ai 68 ans et je cherche un successeur depuis trois ans. J’ai pourtant communiqué sur le sujet. J’ai même proposé ma patientèle sur le Bon Coin en donnant mon mobilier et mon matériel. Mais personne ne veut la reprendre. La médecine générale à la campagne n’est plus prisée. Pourtant, je ne vis pas dans un village mort. Il y a deux pharmaciens, une école primaire, une boulangerie, une supérette. Deux médecins pourraient se partager ma patientèle. Je suis très pessimiste quant à l’avenir de mon cabinet. Je vais continuer jusqu’à la fin de l’année dans les conditions actuelles. Ensuite, je pense que je donnerais la priorité à mes patients en visite, aux anciens, en perte d’autonomie car ils m’ont accordé leur fidélité et leur confiance pendant 36 ans, je me dois de ne pas les abandonner.
Je suis par ailleurs embêté par la tâche administrative, mais c’est général à tous les médecins libéraux et proportionnel à la patientèle. C’est de pire en pire depuis dix ans. Je passe aussi beaucoup de temps à en faire gagner à mes patients. Ma région est en désertification médicale pour les spécialistes. En prenant les rendez-vous pour mes patients, je leur fais gagner trois à quatre semaines pour l’obtention d’un rendez-vous.

Dr Bourdin – Je suis confrontée à deux grandes difficultés. Tout d’abord avec les patients qui, en ville, sont très exigeants car ils veulent des horaires de consultation élargis, certains n’honorent pas leur rendez-vous, d’autres savent déjà ce qu’ils veulent en arrivant à la consultation. En ville, ils ont beaucoup plus de choix en termes d’accès aux soins. Il est plus difficile de les fidéliser, ce qui rend le suivi plus compliqué.
L’installation est par ailleurs un sacerdoce. La charge administrative est importante et la démarche compliquée d’autant plus qu’il n’y a pas de guichet unique à Bordeaux. Il faut donc multiplier les rendez-vous à l’Ordre des médecins, avec l’Urssaf, la Carmf, la prévoyance. Et je n’ai pas encore de souci de Rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) et de cotation avec l’Assurance maladie comme je viens de m’installer…

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