Personnes âgées : une prise en charge spécifique

11 décembre 2018

Comme le rappelle la Haute Autorité de Santé (HAS), la prévalence des maladies chroniques augmente régulièrement en raison de l’allongement de l’espérance de vie. À partir de 75 ans, la présence simultanée d’au moins deux maladies chroniques est d’ailleurs très fréquente. Comment, en tant que médecin, prendre en charge au mieux les patients concernés ? Quelques pistes.

« La population âgée de 75 ans ou plus sera deux fois plus nombreuse en 2070 qu’en 2013 (+ 7,8 millions) », selon l’Insee (1). Du fait de l’avancée en âge des générations du baby-boom, « nous assistons en effet à un vieillissement important de la population », confirme le Pr Olivier Hanon, Chef du service Gériatrie de l’Hôpital Broca (AP-HP) et président de Gérond’if, le Gérontopôle d’Île-de-France. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la pratique des médecins généralistes comme spécialistes.

Une médecine plus complexe

 

« La prise en charge des patients âgés ou très âgés est complexifiée par la présence des comorbidités ou multimorbidités, reconnaît le professeur. La médecine actuelle est organisée pour répondre à un problème (une pathologie) par une réponse (un traitement). Or le paradigme change radicalement. »

En effet, chez ces patients, les médecins traitent moins des pathologies aigües que des pathologies chroniques et souvent multiples, qui impliquent d’appréhender les patients dans leur globalité. « Les patients de plus de 75 ans prennent en moyenne sept médicaments par jour, d’où le risque accru de iatrogénie médicamenteuse, rappelle le gériatre. Ils sont sujets à divers effets secondaires liés à leurs pathologies associées et sont, dans 30 % des cas, hospitalisés au moins une fois dans l’année. »

Des diagnostics et traitements différents

 

Autre particularité, « les diagnostics et les traitements sont différents chez les patients âgés », poursuit le professeur Hanon. Les pathologies n’ont en effet pas la même symptomatologie. L’infarctus du myocarde, par exemple, se traduit par une douleur intense dans la poitrine chez un patient jeune, ce qui n’est pas toujours le cas chez un patient beaucoup plus vieux : il peut se manifester par un mal de ventre, des vomissements, un malaise… Le Pr Olivier Hanon préconise donc un ECG en cas de tels symptômes pour ne pas rater l’infarctus.

« Il est important de prendre en compte toutes les comorbidités, comme évoqué, mais aussi de connaître les spécificités des diagnostics aïgus et celles de tous les traitements » , insiste-t-il.

Certains traitements sont en effet contre-indiqués chez les personnes âgées et d’autres indiqués à des doses plus faibles (notamment parce que l’élimination rénale des médicaments n’est pas aussi efficiente chez un sujet âgé que chez un sujet jeune). D’autres encore ne doivent surtout pas être utilisés en même temps que d’autres médicaments pour éviter tout effet secondaire grave.

Une approche médico-psychosociale

 

Par ailleurs, l’audition plus faible des patients très âgés, leurs éventuels troubles de la mémoire ou encore leurs difficultés à se mettre debout et à se déshabiller peut complexifier l’interrogatoire et l’examen clinique, nécessitant parfois l’aide d’un accompagnant.

Ce n’est pas tout. « La personne prend-elle correctement ses médicaments ? Peut-elle encore conduire ? Est-elle autonome ? Les consultations sont très complexes, sachant que les dimensions médicales, psychologiques et sociales de la personne doivent être prises en compte », ajoute le Pr Olivier Hanon.
Cela justifie, selon lui, une évaluation globale par un gériatre dans le parcours de soin, en ville (dans le cadre de réseaux ou d’autres structures de coordination) ou en hôpital de jour. « Plusieurs études menées auprès de personnes âgées ont montré que la consultation d’un gériatre réduisait de 25 % la mortalité ou l’entrée en maison de retraite », pointe-t-il.

Pour mémoire, la gériatrie est désormais une spécialité médicale à part entière (2).

Une formation requise

Cela implique également, pour les médecins généralistes ou spécialistes non-gériatres, de se former. Il n’est pas, insiste le professeur Hanon, obligatoire d’aller jusqu’à la formation à l’évaluation globale des personnes âgées, dite « évaluation gériatrique standardisée » (3).
Il recommande toutefois aux médecins de se former au dépistage des syndromes gériatriques (troubles cognitifs, troubles de la marche, incontinence urinaire, etc.) et à quelques tests de repérage de la fragilité (4). L’un d’eux repose sur cinq critères :

  • la perte de poids (une perte de plus de 4 kg par an est jugée anormale)
  • la vitesse de marche (une vitesse inférieure à un mètre par seconde doit alerter)
  • l’absence d’activité physique et la sédentarité, la fatigue et, enfin, la faiblesse musculaire.

« Pour évaluer ce dernier critère, il suffit, par exemple, de demander à la personne de se lever de sa chaise cinq fois de suite, explique le Pr Olivier Hanon. Si elle ne réussit pas à le faire sans s’aider de ses bras, c’est un signe. » Si trois de ces cinq critères sont remplis, le risque de la personne âgée d’entrer en maison de retraite est majoré. « Un autre moyen de repérer la fragilité d’une personne âgée est de compter le nombre de médicaments qui lui sont prescrits, complète le gériatre. Si elle en consomme plus de dix par jour, elle est à risque. »

Prévenir plutôt que guérir

 

L’objectif ?
Repérer dès que possible les premiers signes de vulnérabilité pour éviter des événements plus graves (chutes, hospitalisations…), adresser, le cas échéant, les patients à un gériatre et permettre la mise en place d’actions de prévention (alimentation adaptée, activité physique, optimisation thérapeutique…) pour limiter le risque de perte d’autonomie. Le suivi est ensuite assuré par le médecin généraliste.

 

(1) « Projections de population à l’horizon 2070 – Deux fois plus de personnes de 75 ans ou plus qu’en 2013 », Insee Première n° 1619, novembre 2016.
(2) Depuis l’an dernier, la gériatrie est une spécialité à part entière (DES) et non plus une spécialité complémentaire (DESC).
(3) À la fois multidimensionnelle et interdisciplinaire, cette évaluation est orientée vers l’identification des problèmes médicaux et des capacités psychosociales et fonctionnelles des sujets âgés afin d’élaborer, pour chacun d’eux, un plan personnalisé de santé (PPS).
(4) En formation continue, via le DPC, ou à l’université, par exemple, via un DU.

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