Covid-19 : « un travail en synergie » du côté des établissements
16 juin 2020
Très vite, au CHRU de Strasbourg, étudiants, professionnels de santé et direction ont travaillé main dans la main pour organiser les renforts étudiants. Aux manettes se trouvaient Armelle Drexler, Directrice du pôle Affaires médicales, recherche, qualité et stratégie médicale territoriale des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le Professeur Philippe Deruelle, Chef du pôle Gynécologie-obstétrique et fertilité du Centre hospitalier, et Elodie Fels, vice-doyenne étudiante de l’Université de Strasbourg.
Quels types d’aide avez-vous reçu de la part des étudiants ?
Armelle Drexler : les stages des étudiants de second cycle de médecine ont été suspendus. De ce fait, les étudiants des filières médicales, pharmaceutiques et odontologiques se sont constitués en réserve sanitaire. Les quelque 315 volontaires (soit près d’un quart de l’ensemble des étudiants hospitaliers) ont été répartis dans les services prioritaires du CHU et des CH de l’agglomération et alentours (Colmar, Mulhouse etc.). 98 internes sont également venus renforcer les secteurs des urgences, des unités d’hospitalisation covid et de réanimation de manière ponctuelle. Enfin, 23 internes en disponibilité, en année recherche ou en stage auprès d’un médecin libéral, sont venus en renfort à plein temps. Concernant les spécialités non médicales, les étudiants en maïeutique ont assuré la garde des enfants du personnel soignant. Les étudiants en odontologie ont quant à eux assuré toutes les urgences dentaires, les cabinets libéraux étant fermés. Les étudiants en pharmacie, quant à eux, ont été particulièrement mobilisés pour la fabrication de solutions hydro-alcooliques en lien avec la PUI et la faculté, ce qui nous a été fort précieux durant les semaines de tension que nous avons connues. Enfin, quelques étudiants de première année se sont même portés volontaires pour être brancardiers.
En pratique, comment cela s’est-il organisé ?
Armelle Drexler : nous avons travaillé avec les responsables de services pour identifier et prioriser les secteurs et les besoins. Pour les renforts juniors, nous avons décidé des affectation de manière collégiale, tous les trois ensemble.
Elodie Fels : il y eu un vrai travail de co-construction avec les étudiants. Nous avions d’ailleurs de notre côté monté un groupe Facebook sur lequel nous positions les besoins et les étudiants volontaires se manifestaient. Tout s’est organisé assez vite dès le début de la crise durant la deuxième quinzaine de mars.
Pr. Philippe Deruelle : pour des raisons évidentes de compétences, nous avions donc sélectionné les étudiants de deuxième cycle. Nous avons appelé les étudiants fragiles à ne pas se mettre en péril et donc à ne pas s’inscrire dans la réserve sanitaire. Parmi ces derniers, ceux qui le désiraient pouvaient néanmoins prêter main forte dans l’administration, auprès de la régulation du Samu ou pour accompagner les soignants sur le plan psychologique par exemple.
Qu’a apporté cette présence étudiante à votre établissement ?
Elodie Fels : comme les étudiants ont été répartis dans les services les plus en tension, leurs personnels ont pu s’appuyer sur eux, notamment pour effectuer des tâches pas forcément médicales.
Pr. Philippe Deruelle : le CHRU de Strasbourg est rapidement devenu un hôpital dédié au Covid. Par conséquent, les équipes elles-mêmes ont été impactées par la maladie, avec des soignants malades qu’il a fallu remplacer. Les étudiants ont alors joué un rôle crucial. On a également vu émerger des besoins nouveaux comme la nécessité de retourner les patients en réanimation. Or ces nouveaux besoins ne nécessitaient pas de compétences particulières, hormis celles liées à la protection : les étudiants ont donc pu se charger de ces nouveaux besoins. Leur aide et leur mobilisation nous ont également permis de dégager du temps et de lever les moyens humains nécessaires pour avancer sur le plan de la recherche avec l’enregistrement et la publication des cas. Nous sommes allés encore plus loin grâce à la souplesse de la Direction des affaires médicales et de celle des ressources humaines puisque nous avons créé un poste intermédiaire entre infirmier diplômé d’état et aide-soignant pour nos étudiants. Par exemple, nous avons dû transformer le service de médecine interne en service Covid : les étudiants formés en amont (compétences, règles d’hygiène, gestes barrière) et accompagnés par les infirmiers ont permis l’ouverture de ces nouveaux services.
Armelle Drexler : cela nous a permis de gagner en rapidité grâce à ces renforts qui intervenaient sur ces nouveaux besoins pas forcément médicaux.
Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui ?
Pr. Philippe Deruelle : nous avons travaillé dès le début et tout au long de la crise de manière collégiale. Nous nous réunissions une fois par semaine pour nous coordonner, ce qui était nécessaire pour faire face à nos moments de questionnements et pour lever certaines tensions, comme cela a pu être le cas autour de la question de la prime par exemple. Se parler est absolument nécessaire. Et puis on a pu voir les étudiants d’autres villes livrés à eux-mêmes : c’est exactement ce qu’on ne voulait pas ! Nous voulions que les services soient renforcés par des gens compétents et efficients.
Elodie Fels : du côté des étudiants, le bilan est très positif. Cela a été très agréable de travailler dans les services : nous avons acquis beaucoup d’expérience et avons été inclus à l’effort, ce qui nous a donné envie de nous investir. De manière plus personnelle, j’ai particulièrement apprécié la manière synergique que nous avons eu de travailler tous les trois.
Armelle Drexler : c’est exactement cela ! Cette expérience a vraiment démontré le rôle des étudiants dans toute la chaîne de professionnels médicaux et de santé qui ont permis de traverser cette crise.
Pr. Philippe Deruelle : durant cette période, cette action synergique a vraiment redonné tout son sens au mot universitaire de l’acronyme CHU. On a bien vu que des communautés, comme l’administration, les médecins et les étudiants, que certains peuvent croire divisées, sont capables de travailler ensemble et d’avoir des objectifs communs, en temps de crise comme en temps normal.
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