Covid-19 : l’engagement « admirable » des étudiants en médecine

16 juin 2020

La crise sanitaire qu’a connu le pays ces derniers mois a nécessité une immense mobilisation des professionnels de santé. Les étudiants en médecine étaient également sur le front. Quels rôles ont-ils joué dans la réponse sanitaire à cette crise ?

« L’engagement des étudiants a été admirable, reconnaît le Pr Patrice Diot, Président de la Conférence des doyens des facultés de médecine. Même s’ils n’avaient pas à le démontrer, ils ont fait la preuve de leur engagement ! » Comment s’est organisé cet engagement dans les territoires ? « Les facultés ont été présentes sur le champ académique, sur le volet de la continuité pédagogique, pour permettre l’accès des étudiants aux supports de cours, pour prévoir des solutions pour l’aménagement des stages », fait savoir Maxime Tournier, vice-président chargé de l’enseignement supérieur et de la PACES au sein de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Sur le terrain, ce sont les étudiants et les établissements de santé qui ont participé à l’organisation de cette mobilisation estudiantine.

Une implication par année d’études

Les étudiants en première année de médecine n’ont pas du tout été impliqués car « trop jeunes ». Idem pour ceux de sixième année, « ménagés » en raison de leur préparation aux épreuves classantes nationales (ECN). En revanche, dès la deuxième et troisième années, « les étudiants ont été mobilisés, rapporte le Pr Diot. Les actions prévues dans le cadre du service sanitaire au sein des collèges, lycées et maisons de retraite ont été interrompues, notamment parce que les établissements étaient amenés à fermer. Les étudiants ont donc pu être mobilisés ailleurs. » Et de poursuivre : « Cette mobilisation était propre à chaque territoire, mais à Tours, sur la base du volontariat, nous avons proposé aux étudiants de participer à la régulation téléphonique du Centre 15, assaillie d’appels. » Les étudiants ont été formés afin de participer de manière utile à la réponse téléphonique.

De nombreux étudiants des premier et deuxième cycles sont également intervenus dans les Centres hospitaliers périphériques et dans les établissements médico-sociaux avec des missions très variables. « Les étudiants en troisième et quatrième année ont par exemple effectué des vacations sur des fonctions d’infirmiers, d’aides-soignants ou de brancardiers, indique Maxime Tournier. Les missions étaient ciblées avec des contrats de travail. Ils sont assez nombreux et identifiés. » À Tours, pour les étudiants du deuxième cycle en stage, « nous avons analysé, avec leur maître de stage, la charge en soin, souligne le Pr Diot. Au début de la crise, les médecins généralistes libéraux étant peu impliqués dans la réponse sanitaire, alors avec leur accord, les étudiants ont été réaffectés au sein de terrains de stage hospitaliers, où ils ont pu être plus utiles. » Les étudiants de cinquième année sont ceux qui, d’après l’Anemf, ont été les plus présents dans les services hospitaliers où ils sont restés en stage ou ont été réaffectés sur la base du volontariat dans des unités Covid notamment. « Ils ont vraiment rempli leur rôle d’étudiants en médecine, estime Maxime Tournier, avec certes, parfois, plus de zèle que d’habitude. » Les internes à l’origine en stage dans des services à l’arrêt pendant la crise, ont également été réaffectés. Certains ont même pu aller en renfort dans les établissements hospitaliers situés dans les régions les plus touchées par l’épidémie, avec une réaffectation hors de leur subdivision. « Un certain nombre d’entre eux, en provenance de Bretagne et des Pays de la Loire notamment sont allés en Ile-de-France et dans le Grand-Est », donne en exemple le Pr Diot.

Une mobilisation volontaire

Si la crise avait pris une ampleur encore plus forte, il a été envisagé pendant un temps de procéder à la mobilisation des étudiants par réquisition. « Mais nous n’avons pas eu à le faire », signale le Pr Diot. « Nous avons très peu de cas officiels de réquisition sur obligation des Agences régionales de santé (ARS), c’était quasi inexistant », confirme Maxime Tournier. L’ensemble des réaffectations s’est faite sur la base du volontariat et aucun étudiant n’a utilisé son droit de retrait. « Certains cependant, pour des raisons de santé, sont restés chez eux, fait savoir le Pr Diot. C’est le cas également de ceux qui se sont retrouvés sans stage et sans réaffectation possible.» Et de justifier : « Les étudiants ont les compétences qu’ils peuvent avoir en fonction de leur niveau d’étude. Nous avons donc essayé de trouver le bon équilibre entre la valeur ajoutée qu’ils peuvent apporter dans l’offre de soins et les possibilités d’encadrement dont ils pouvaient bénéficier. »

En parallèle, des appels à la mobilisation de soignants ont vu le jour. C’est le cas d’Urgence Renfort Covid-19, lancé par le site emploi Staffsanté et la solution de gestion de remplacements Teamsquare. Pendant plus de 2 mois, les deux acteurs ont mis en relation des soignants volontaires et des établissements de leur région dans le besoin. Parmi les 14 500 volontaires, près de 30% étaient des étudiants. 

Le volontariat a certes été majoritaire, mais « il est cependant difficile pour le moment de savoir si les étudiants ont fait l’objet de pression sous-jacente avec une obligation d’aller en stage », tempère Maxime Tournier. Et de dénoncer : « Il existe également toute une zone de flou, préjudiciable à la bonne reconnaissance des étudiants, autour de ceux à qui il aurait été demandé, en raison des besoins des services, davantage que ce qu’ils auraient dû effectuer pendant leur stage, sans pour autant bénéficier de contrat de vacation. Nous attendons de voir si les témoignages que nous avons reçus sont représentatifs, mais il apparait que dans certains cas, cela a permis à des CHU de bénéficier de mains d’œuvres gratuites. » L’ANEMF mène actuellement une enquête sur l’implication des étudiants en médecine pendant la crise pour faire la lumière sur cette question notamment.

Les étudiants créent leurs propres outils

Les étudiants et internes en médecine ont multiplié les initiatives pour lutter contre la pandémie. Six organisations étudiantes, d’internes et de jeunes médecins (Isnar-IMG, Isni, Anemf, Jeunes Médecins, ReAGJIR et FNSIP-BM) ont ainsi lancé, mi-mars, « InfoCOVID19 », une plate-forme d’information commune sur le Covid « par et pour les jeunes médecins et les médecins en formation ». Le contenu de cette plateforme a par la suite évolué grâce à la constitution d’une équipe de coordination appuyée par des référents pharmaciens et médecins et s’est structurée autour de six catégories telles que “Aider mon patient et mes proches”, “Prendre soin de moi” ou encore “Mes études”. À Grenoble, deux internes, un étudiant et un médecin ont quant à eux monté un projet de veille bibliographique, Bibliovid (bibliovid.org), proposant une sélection des articles les plus pertinents sur le Covid-19. L’enjeu : compiler, transmettre, diffuser les informations pertinentes en lien avec le nouveau coronavirus. Des initiatives parfois tournées aussi vers le grand public… À titre d’exemple, 30 étudiants en médecine à travers le monde (y compris en France) ont conçu un site internet (mvttv.co) dans le but de sensibiliser les plus jeunes aux règles de distanciation sociale. On peut, entre autres, y retrouver une lettre, traduite en plusieurs langues, ainsi qu’une vidéo.

Pour aller plus loin :

Une expérience « très formatrice » du côté des étudiants – Interview d’Alice Garnier, étudiante en médecine
Un travail « en synergie » du côté des établissements – Retour d’expérience du CHRU de Strasbourg

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