[INTERVIEW] : Rencontre avec Martial Jardel, fondateur de Médecins Solidaires

11 août 2023 Medecins solidaires interview martial jardel

C’est en juin dernier que Médecins Solidaires ouvre son second centre médical en Creuse. Naissance du projet, fonctionnement et ambition, Martial Jardel, médecin généraliste et fondateur, nous en dit plus sur cette association qui propose une solution pour pallier aux déserts médicaux.

Pourriez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?

J’ai 32 ans, je suis médecin généraliste. Après mon internat, je suis parti en camping-car faire un tour de France des remplacements pendant 5 mois. En rentrant, j’ai rencontré l’association Bouge Ton Coq qui se mobilise pour revitaliser les zones rurales à travers des actions citoyennes. Ils avaient envie de faire quelque chose sur la santé, on a alors décidé de créer Médecins Solidaires. On est partis de l’idée qu’on pouvait demander peu à beaucoup au lieu de demander beaucoup à peu de médecins.

Pourquoi avoir lancé cette initiative ?

Actuellement, on essaie de faire rentrer un rond dans un carré. On a une transformation profonde du système et des équilibres depuis plusieurs années qui crée cette pénurie d’accès aux soins. Notre postulat est le suivant : si on ne réfléchit pas à un changement de modèle organisationnel, on ne peut pas résoudre le problème. Ce ne sont pas des changements paramétriques qui vont pouvoir régler le problème mais c’est un changement profond de modèle d’organisation de soins.
Enfin ça, c’est notre postulat aujourd’hui. À la base, on voulait juste gérer l’urgence. On s’est posé la question : “comment peut-on apporter des médecins dans ces territoires qui n’en ont plus, dans ces territoires isolés ?”. Les médecins n’y vont pas parce que c’est trop d’engagement, donc diminuons le taux d’engagement !
Et, finalement, on se rend compte de la pertinence de ce modèle que l’on a inventé. On est en train de se dire “peut être qu’on a trouvé quelque chose de bien plus profond que le simple pansement d’une urgence”.

Concrètement, comment ça se passe ?

Une fois que les médecins sont inscrits sur le site internet, ils assistent à une visio avec l’un des médecins pionniers du projet pour leur expliquer plus en détail, et se connaître un petit peu plus. Ils choisissent ensuite une semaine sur un planning. Une fois qu’ils ont choisi leur semaine, ils sont salariés de l’association par un contrat (pour ladite semaine).
Ils viennent dans notre centre médical, on leur met un logement à disposition, un véhicule à disposition. Pendant une semaine ils ne font qu’exercer la médecine. On les soulage des aspects matériels et administratifs qui sont directement gérés par une coordinatrice dans le centre. Le médecin peut alors exercer dans un cadre serein.

Comment a été reçue l’initiative de la part des médecins ?

Comme tout ce qu’on peut entreprendre, il y a toujours des gens très pour, des gens neutres et des gens très contre ! On a aujourd’hui un collectif de 200 médecins généralistes, il y a vraiment une communauté de médecins qui est en capacité d’adhérer à ce projet.
Ce qui est intéressant c’est que ce sont plusieurs générations, plusieurs modes d’exercices, plusieurs territoires, c’est même presque plusieurs sensibilités syndicales et politiques. Mais au-delà de ces références, on retrouve cette volonté commune de retour au soin. On est pas dans la revendication, on est dans l’action. On pense qu’en tant que citoyen on a une capacité d’agir et en tant que citoyen médecin encore plus.

Souhaitez-vous étendre l’initiative à d’autres départements que la Creuse ?

Complètement ! Le but est de tirer le fil jusqu’au bout du possible. Je suis convaincu que si l’on a 200 médecins, on peut en avoir 2 000 ! C’est juste une question d’énergie que l’on met dans le projet. On a ouvert deux centres en Nouvelle-Aquitaine, en Creuse, un à côté de Guéret et un à côté d’Aubusson. À partir du moment où on a suffisamment de médecins pour pouvoir assurer le turnover dans nos centres médicaux, on pourra se développer dans d’autres départements.

De façon plus globale, comment voyez-vous médecins solidaires dans quelques années ?

L’objectif pour moi c’est que Médecins Solidaires dans 5 ans fasse partie du langage commun. J’aimerais que ça soit quasiment normal pour un médecin de faire sa semaine de médecin solidaire.
Si 10% des médecins adhèrent au projet, on peut ouvrir jusqu’à 200 centres comme ça sur le territoire. Donc on a une marge de manœuvre, beaucoup d’espoir, et beaucoup d’ambition.

Vous êtes médecin et intéressé par le projet ? Pour devenir médecin solidaire c’est ici.

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