Les RH de demain à l’hôpital : des profils hybrides et des carrières protéiformes

2 septembre 2020 matthieu girier chu bordeaux

L’innovation technologique transforme le secteur de la santé, impactant son organisation et ses métiers. Dans ce contexte, comment les gestionnaires de ressources humaines peuvent-ils accompagner l’évolution des carrières médicales ? Le point avec Matthieu Girier, directeur du pôle des ressources humaines du CHU de Bordeaux et président de l’Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess).

De quelle manière appréhendez-vous l’avènement des nouvelles technologies dans les métiers de la santé ?
Matthieu Girier : La digitalisation implique de revoir la conception de tous les métiers et la manière dont ils sont exercés à l’hôpital. C’est un sujet transversal qui concerne l’intégralité de nos processus métiers qu’il s’agisse du soin, de l’administration et des fonctions supports.
Il nous faut donc réfléchir à la manière dont la digitalisation va transformer le métier. Quelles seront les nouvelles compétences dont nous allons avoir besoin pour faire face à ces mutations technologiques ? L’enjeu est également d’essayer de mieux comprendre l’impact de celle-ci sur les rythmes de travail, les horaires, la mobilité, l’adaptation qualitative et quantitative au regard des nouveaux outils de digitalisation. Aujourd’hui, nous cherchons des gens avec des qualifications différentes qui sont ouverts aux nouvelles technologies.

Voyez-vous émerger de nouveaux profils de médecin ?
M.G. : Nous nous ouvrons sur des profils plus hybrides qu’auparavant. La carrière type du praticien hospitalier ne l’appelle plus systématiquement à exercer toute sa vie exclusivement à l’hôpital, la clinique ou en libéral. Il s’ouvre au monde industriel, à la recherche. Le statut de praticien hospitalier offre depuis longtemps la possibilité de pouvoir adapter sa carrière à la mise en œuvre industrielle de sa recherche. Jusque-là minoritaires, ces profils émergent de plus en plus.
A titre d’exemple, un jeune interne du CHU de Bordeaux a développé une solution de télésurveillance basée sur de l’intelligence artificielle et créé sa start-up. C’est la démonstration de l’innervation qui peut exister entre la future carrière d’un professionnel de santé, son appétence pour les nouvelles technologies et la transformation des concepts de base de l’organisation de la médecine.
Désormais, toutes les spécialités médicales peuvent être concernées par ces transformations et voir émerger ces profils hybrides. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques années.

Comment accompagner ces carrières ?
M.G. : Nous sommes à l’aube de cette transformation des carrières de médecin au regard des technologies disponibles. Pour les services de ressources humaines, cela représente un véritable enjeu. Les carrières médicales deviennent protéiformes, les professionnels de santé s’ouvrent à plus d’opportunités. Désormais, lorsque nous recrutons un jeune médecin qui montre une appétence pour l’innovation, nous ne pouvons pas lui dire qu’il va se consacrer 100 % à la clinique. Il faut détecter, accompagner ces profils, dégager des crédits pour les former au bon moment et plus que jamais personnaliser les parcours. Notre ambition est donc de systématiser les dispositifs de ce type. C’est aussi de cette manière que nous rendrons les carrières plus attractives.

Quels peuvent-être les impacts en termes d’organisation ?
M.G. : Prenons l’exemple de la radiologie conventionnelle avec la mise en place de l’intelligence artificielle et le traitement de très gros volumes d’images. Il y a un impact transformant le métier de radiologue. Le métier se fait-il toujours exclusivement à l’hôpital ? Peut-on imaginer une autre organisation ? Tout cela pose question.
L’innovation en médecine, ce sont aussi des médecins plus qualifiés, plus mobiles. Il faut être en capacité d’adapter nos outils pour répondre à ces évolutions. Notre ambition est non seulement d’accompagner les professionnels de santé dans les transformations de leur spécialité mais aussi l’ensemble de l’écosystème des services médicaux. La digitalisation des fonctions supports est nécessaire à travers des outils tels que la mise à disposition en ligne du dossier administratif, la mise en place d’un workflow avec délai de réponse rapide, la création de conseiller personnalisé, etc.

Demain, quels besoins pour les gestionnaires des ressources humaines à l’hôpital ?

L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) a investigué les besoins des établissements médicaux en matière de gestion des ressources humaines (RH). Ce premier travail d’enquête a montré que les enjeux identifiés demeurent le recrutement, l’attractivité, la fidélisation, l’employabilité. « Nous voyons plutôt émerger des thématiques autour de la nécessité d’accompagner les professionnels de santé hospitaliers dans une approche territoriale liée au contexte des GHT, de former les chefs de service au management, rapporte Pierre Péron, manager à l’Anap en charge de l’étude. L’évolution technologique et son impact sur les RH n’est pas encore un sujet dominant. Alors que les professionnels sont maintenant habitués aux outils numériques, tout comme une bonne partie des patients, les DRH restent encore fortement accaparées par des questions réglementaires et insuffisamment équipées en système d’information. Tout cela rend difficile leur orientation vers les nouveaux besoins d’accompagnements des professionnels. »
L’ANAP poursuit désormais ses travaux sur les besoins des RH, en s’appuyant sur des expériences menées sur le terrain.

* Entretiens et tables rondes menés auprès des acteurs des RH et des professionnels de santé représentants une trentaine d’établissements hospitaliers, fin 2019.

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