Réanimateur au cœur du réacteur

15 juin 2020

Anesthésiste-réanimateur à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et Secrétaire général adjoint de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), le Professeur Jean-Michel Constantin est désormais un visage connu à l’image de sa profession qu’il dépeint avec passion et humanisme.

« C’est un métier où l’on pratique une médecine qui n’est pas une médecine d’organes. Un peu comme les généralistes ou les internistes, nous nous occupons de l’ensemble des pathologies des patients mais – et c’est ce qui fait notre spécificité – dans leur phase aigüe. Il faut être un peu spécialiste de tout », sourit Jean-Michel Constantin. La vocation pour la réanimation lui est venue comme une évidence, par « goût pour cette médecine très globale et intense mais aussi par goût de devoir soigner ce qui est grave en étant dans la réactivité immédiate. On est au cœur du réacteur. »

L’écouter parler, c’est côtoyer Hippocrate sans déviance, aux confins de l’essence du genre humain : « Même s’il y a des moments où c’est très dur, on a beaucoup de satisfaction quand on sauve quelqu’un, bien sûr, mais également lorsqu’on arrive à l’accompagner le moins mal et le plus dignement possibles même quand l’issue est fatale. On fait de la réanimation par choix, en l’occurrence, celui de s’occuper de malades compliqués qui nécessitent parallèlement une véritable réflexion tant éthique que purement thérapeutique. Auparavant, on se satisfaisait que les personnes sortent vivantes de nos services. Désormais, on s’intéresse à ce qu’elles deviennent plusieurs années après. »

« C’est le médecin réanimateur qui, en bout de course, est décisionnaire »

Par la position qu’il occupe, le médecin réanimateur est à la baguette. « Une partie de notre travail consiste aussi à coordonner les avis des confrères, un peu comme un chef d’orchestre, explique le Professeur Constantin. Pour pouvoir prendre une décision qui soit pertinente en termes de prise en charge, il faut être capable de discuter les observations des autres et de les intégrer. Et ce, même si, in fine, c’est le médecin réanimateur qui, en bout de course, est décisionnaire avec toute la pression et la responsabilité que cela induit, qu’il s’agisse de l’option thérapeutique à privilégier, d’un arrêt des soins ou d’une admission ou non en service de réanimation. » Cette dernière, quand elle est négative, doit d’ailleurs être collégiale tant elle est impactante sur le plan sanitaire mais aussi humain et symbolique.

« Ce n’est pas forcément une chance d’aller en réanimation si la probabilité de survie et de récupération est extrêmement minime, insiste Jean-Michel Constantin. Il ne faut pas que le coût humain et financier soit déraisonnable. Sinon, il convient d’anticiper d’emblée ce que va devenir la personne pour éviter l’acharnement thérapeutique. Être en réanimation est extrêmement difficile et déstructurant, tant pour l’intéressé que pour ses proches. Le jeu doit en valoir la chandelle sinon, tout le monde y perd. » Autre option, quand le doute domine : opter pour de la réanimation d’attente qui consiste à admettre le patient dans le service pendant quarante-huit-heures afin de voir si son état s’améliore. S’il n’y a pas de progrès, en dépit d’une réanimation intensive, ou, pire, si l’on assiste à une dégradation, on privilégie alors l’accompagnement et les soins de confort.

« Le Covid a totalement changé notre visibilité »

A cet égard, le médecin réanimateur est aussi un gestionnaire des moyens en personnels et financiers affectés à chaque cas même si une règle d’or est censée ne jamais être transgressée : ce n’est pas la place disponible au sein du service qui doit dicter la présence ou pas d’un malade. Un principe intangible qui a été tout l’enjeu de la récente épidémie de Covid-19. Sachant « qu’en France, rappelle le Secrétaire général adjoint de la Sfar, on a la chance de pouvoir admettre qui l’on veut en réanimation alors que dans d’autres pays, il y a une limite d’âge au-delà de laquelle ce n’est pas possible sauf aux frais de la personne ou de sa famille. A nous, donc, de procéder intelligemment tant pour le malade que pour la société. »

La crise du coronavirus, justement, a braqué les projecteurs sur une profession dont les lettres de noblesse sont à présent connues d’une bonne part la population. « Jusque-là, ce métier était socialement très peu gratifiant car presque personne ne savait en quoi il consiste véritablement, regrette le Professeur Constantin. Le Covid a totalement changé notre visibilité, ne serait-ce que dans la mesure où nous avons pu nous exprimer dans les médias pour expliquer ce que nous faisons et quels sont les enjeux inhérents à notre spécialité. La profession en sortira-t-elle durablement revalorisée ? Le temps le dira. »

Un cursus au long cours

Choisir l’anesthésie réanimation, c’est opter pour des études qui dépassent la décennie, soit onze années au total. Après les six premières, marquées par l’obtention du DFGSM (Diplôme de formation générale en sciences médicales) puis du DFASM (Diplôme de formation approfondie en sciences médicales), deux voies sont possibles, à partir de la septième année, pour exercer en tant que médecin réanimateur. La première est d’effectuer un internat qui se solde par l’obtention d’un DES (Diplôme d’études spécialisées) d’anesthésie réanimation (lequel comprend dix semestres). La seconde est d’opter pour un internat qui débouche sur un DES de médecine intensive et réanimation. La première filière concerne 80 % des médecins réanimateurs.
Les titulaires d’un DES d’anesthésie réanimation ont le choix des armes. Ils peuvent ne se focaliser que sur l’anesthésie ou que sur la réanimation mais aussi cumuler une activité en anesthésie et des gardes en réanimation ou encore, alterner l’une ou l’autre selon des périodes de plusieurs mois. A ce panachage s’ajoute la possibilité d’exercer dans les services de soins continus, ces structures intermédiaires au sein desquelles on effectue de la prévention de défaillance d’organes, que ce soit en sortie de réanimation ou en amont, justement, pour éviter que les patients y soient admis. En revanche, les détenteurs d’un DES de médecine intensive et réanimation se cantonnent à la réanimation stricto sensu et aux soins continus.

« Un vrai continuum entre l’anesthésie et la réanimation »

De manière générale, « il y a un vrai continuum entre l’anesthésie et la réanimation, ne serait-ce qu’au niveau du suivi des patients, insiste le Professeur Jean-Michel Constantin. Ce sont deux composantes complémentaires d’une même spécialité. On l’a bien vu pendant la crise du Covid. Sur les 11 000 anesthésistes réanimateurs que compte le pays, 9 000 travaillent dans des blocs opératoires. Lorsque l’activité chirurgicale s’est très fortement réduite, un grand nombre d’entre eux sont venus prêter main forte aux services de réanimation sans que cela ne pose de problème car c’est aussi leur métier.

La majorité des anesthésistes réanimateurs sont des hospitaliers. Cependant, le statut libéral concerne aussi la profession. Dans ce cas, le professionnel de ville exerce dans le cadre d’une convention avec un établissement privé (clinique, hôpital etc.). La rémunération moyenne mensuelle pour les premiers est d’environ 3 500 euros bruts en début de carrière et oscille aux alentours de 7 300 en fin de carrière. A cela s’ajoutent les indemnités et autres primes de garde. Pour les anesthésistes réanimateurs libéraux, les émoluments peuvent atteindre 12 000 euros bruts par mois.

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