L’ « accompagnement professionnel personnalisé » vaut aussi pour les médecins !

8 décembre 2020 accompagnement professionnel personnalisé médecin

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Coaching vocal, coaching sportif, coaching de vie… Le terme est à la mode et les courants sont nombreux. Parmi eux, figurent le coaching professionnel, défini par la Société française de coaching (1) comme « l’accompagnement de personnes ou d’équipes pour le développement de leurs potentiels et de leurs savoir-faire dans le cadre d’objectifs professionnels ». Redonner du sens à son travail, améliorer ses relations avec ses collègues, mieux gérer son stress, accroître sa capacité d’écoute… Les objectifs peuvent être nombreux. Et les médecins peuvent tout à fait s’y retrouver.

Stress, difficultés relationnelles, appréhension à l’idée de gérer une équipe… Le coaching professionnel peut être une solution pour faire le point et mettre en place les changements qui s’imposent sur son lieu de travail. Le coach est un spécialiste de l’accompagnement au changement. Soumis à un code de déontologie et à une « confidentialité totale », il n’est toutefois « ni un thérapeute, ni un formateur, ni un mentor, ni un conseiller », insiste Dominique Jaillon, qui fut à la tête de la SF Coach entre 2006 et 2009 et qui préside désormais l’Association française de l’accompagnement professionnel personnalisé. Il ne donne pas non plus de « recettes magiques ». Il « met les personnes coachées en réflexivité pour qu’elles puisent dans leur expérience, leurs connaissances, leurs sentiments, leurs ressources et agissent sur leur présent ».

 

Coaching individuel ou en équipe

Bien entendu, les médecins peuvent y recourir. « Ils vivent des situations très dures, quel que soit leur niveau de responsabilité, note Dominique Jaillon, qui est lui-même intervenu en tant que coach professionnel au sein du CH de Clermont-Ferrand et de Grenoble ainsi qu’à l’AP-HP. Ils sont confrontés à la maladie, la mort, la détresse… Certains sont également, de par leur formation, très focalisés sur l’expertise technique et le savoir-faire, et moins sur le savoir-être. D’autres encore se retrouvent à encadrer des équipes, sans avoir été nécessairement préparés à cela. » En outre, les suppressions de lits, le manque de personnel, la tarification à l’acte tout comme « l’introduction, depuis une vingtaine d’années, d’un modèle managérial de type entrepreneurial à l’hôpital », ajoutent parfois une pression voire un mal-être supplémentaire.

Enfin, en établissement de soins comme ailleurs, dimensions professionnelles et dimensions personnelles s’entremêlent parfois, ce qui peut affecter le rapport aux autres ou le rapport à l’autorité, par exemple. Avec diverses conséquences : « certaines personnes se renferment, d’autres deviennent plus agressives ou perdent confiance en elles… », évoque M. Jaillon. Dès lors, le coaching professionnel – individuel voire en équipe avec l’accord de la hiérarchie – peut être utile pour « dénouer ces nœuds sociopsychiques ».

Le “comment“ et non le “pourquoi“

« Bien entendu, les personnes coachées doivent toutes être volontaires », insiste le professionnel. L’objectif est l’action. « Pour synthétiser, nous sommes dans le “comment“ et non le “pourquoi“ : comment une situation ou un fonctionnement s’est installé(e) et comment elle ou il peut être modifié(e) », décrypte-t-il. La première étape est d’explorer la situation de la personne ou de l’équipe ; la seconde est de rechercher des solutions « dans la co-construction ». En effet, « le coach n’a pas de réponses préconçues ; au contraire, il pose beaucoup de questions pour amener la ou les personnes à identifier les solutions qui lui ou leur semblent les plus appropriées pour atteindre l’objectif fixé, qu’il s’agisse d’améliorer l’organisation de l’équipe, de réussir une prise de fonction de chef de service etc. » Quelques séances peuvent suffire, individuelles, collectives ou une combinaison des deux, selon les besoins.

Et le résultat n’est pas toujours celui auquel on s’attend. « Je me souviens d’une étudiante en médecine que j’ai accompagnée. Elle avait beaucoup de mal à supporter l’internat, l’enchaînement des gardes… » Les séances de coaching l’ont amenée à réaliser qu’au plus profond d’elle-même, elle ne souhaitait pas aller au bout de son internat et se spécialiser. « Elle a donc soutenu sa thèse et exerce désormais en tant que médecin généraliste. » Accompagner de futurs médecins ne lui semble pas aberrant. « Les études de médecine sont extrêmement complexes et denses, pointe le coach. Les étudiants sont concentrés pendant des années sur leur cursus, ce qui implique de nombreux sacrifices ! »

(1) Fondée en 1996, la SF Coach est la première organisation professionnelle représentative du coaching créée en France.

Comment choisir son coach ?

Il est important de choisir des coachs professionnels ayant suivi une formation certifiée par l’État et dispensée par des organismes reconnus (l’Académie du Coaching ou le Groupe CAPP-Coaching, par exemple). Enfin, la relation de confiance et la « complicité » avec le coach sont cruciales.

Les hôpitaux à l’ère du coaching interne

Depuis quelques années, au sein de grandes entreprises telles que la RATP, la SNCF ou Danone, des coachs, externes ou internes, sont à la disposition des salariés, en particulier de ceux ayant vocation à manager des équipes, afin de les aider à mieux appréhender leur poste. Les coachs « internes » sont généralement des salariés de la structure ayant suivi une formation appropriée et consacrant 10 à 20 % de leur temps professionnel à l’accompagnement d’autres salariés. Certains ministères s’y sont mis également, de même que certains établissements de soin, comme les CHU de Montpellier et Dijon ou encore, de l’AP-HP.

À noter que des médecins eux-mêmes peuvent choisir de devenir coach. La formation est dense (de minimum un an, elle combine cours théoriques et pratiques, rapports de coaching, supervision, échanges entre pairs, mémoire de fin de cursus et soutenance). Elle « développe de grandes qualités d’écoute et d’empathie », relève toutefois Dominique Jaillon.

Côté recruteur

Depuis 2012, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon Bourgogne propose à l’ensemble des managers, dont les médecins, des séances de coaching individuelles ou en groupe. Un bénéfice pour les soignants comme pour les équipes. Le point avec Nadine Roux-Theveniaud, Coordinatrice du pôle Coaching, et coach interne au CHU.

 

Pourquoi avoir mis en place du coaching professionnel au sein du CHU ?

En 2012, nous avons voulu accroître notre politique de développement des compétences managériales et compléter les dispositifs déjà proposés comme la formation, le tutorat et la journée consacrée aux managers. Les médecins ont été inclus dès le départ à cette évolution de l’offre. Dans le cadre de leur cursus initial, ils bénéficient peu ou pas de formation dans le domaine managérial, alors qu’ils sont amenés, au cours de leur carrière, à remplir ce rôle. Ils ont pris conscience du besoin de se développer dans leur rôle managérial. Nous avons donc mis en place plusieurs offres. Tout d’abord le coaching individuel pour répondre à des problématiques personnelles comme leur positionnement vis-à-vis de l’équipe, la gestion des conflits, la communication. Nous proposons également du coaching d’équipe, par exemple pour une démarche projet, un accompagnement au changement au sein d’un service ou pour travailler sur la cohésion. Nous organisons aussi des ateliers de co-développement mixtes entre managers médicaux et non médicaux. Les managers ont accès à l’ensemble de ces accompagnements en nous adressant une demande spontanée ou via la direction médicale de l’établissement.

Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui ?

L’adhésion des médecins au coaching a été plus progressive que pour les cadres paramédicaux, administratifs et techniques. Néanmoins, depuis 2016, ils acceptent de plus en plus de ne pas savoir et s’autorisent à demander du soutien, en s’orientant vers le coaching pour obtenir une réponse à leur besoin.
Les médecins qui l’ont expérimenté nous font part de leur satisfaction. Nous le ressentons dans les évaluations qu’ils nous transmettent. Ils parlent d’une écoute bienveillante, de non jugement, d’interaction facile avec le coach, d’une bulle d’oxygène. Ils pointent du doigt l’amélioration de leur mode de communication, une reprise de confiance, la reconstruction, pour certains, d’une identité professionnelle et estiment que le coaching peut être un accélérateur de la reprise de l’estime de soi dans sa relation aux autres.

Quels changements cette offre a généré au sein de l’établissement ?

Au niveau institutionnel, cette possibilité offerte aux médecins donne une visibilité à l’importance que la direction générale accorde à l’humain. Elle contribue au développement de la posture managériale et donne des permissions pour parler de ses difficultés. Elle peut être aussi un moyen de prévention de l’épuisement professionnel.
Lorsque le coaching se déroule au niveau de l’équipe, le fait de travailler collectivement optimise l’engagement dans un projet ou accroît la fluidité dans les relations. Les feedbacks écrits des médecins signalent, par ailleurs, un gain en efficience individuelle, avec une capacité à garder la bonne distance ainsi qu’une meilleure faculté de compréhension des interactions au sein de leur propre système, de leur propre environnement.

Côté médecins

Récent et peu répandu auprès des médecins, le coaching peut pourtant leur apporter beaucoup. C’est en tout cas ce que révèlent les témoignages du Dr Claire Morgand et du Dr Chantal Bousquet, lesquels ont en commun une chose : la confiance retrouvée.


J’ai participé à un coaching individuel alors que je travaillais dans un réseau de cabinets médicaux avec des gestionnaires, responsables du management et de l’organisation administrative, et des médecins, qui ont souvent plusieurs activités. Moi-même, j’avais de nombreuses activités transverses : exercice clinique, directrice de recherche à l’Inserm, épidémiologiste, ex maître de conférences, membre de comités scientifiques… Cette multiplicité est passionnante mais la charge mentale est énorme et il me devenait compliqué de tout gérer. Sur les conseils d’un gestionnaire de mon réseau, je me suis donc tournée vers le coaching.
J’étais alors à la croisée des chemins, m’interrogeant sur la suite de mon parcours, ressentant à la fois un vif besoin de changement et un conflit de loyauté avec mes activités en cours. J’étais vraiment dans une phase de transition qu’il était opportun d’engager et le coaching m’y a vraiment aidée.
L’exercice permet de prendre du temps et de la hauteur ce qui, à mon avis, est encore plus nécessaire dans notre époque de surperformance et de sur-sollicitation. J’ose faire le parallèle entre ce travail d’introspection et une psychothérapie active : il faut être capable de s’interroger sur ses envies, ses aspirations, ses valeurs, ce qui n’a pas fonctionné dans son parcours, ce qui empêche d’avancer ou engendre de l’inquiétude.
Moi qui ai toujours eu des doutes sur ma légitimité à occuper certains postes ou exercer certaines responsabilités, cela m’a permis de faire tomber des barrières. Après cette profonde réflexion avec mon coach, j’ai arrêté l’exercice clinique, demandé mon détachement de l’Inserm et accepté un poste de direction à la HAS que je n’aurais probablement pas accepté en d’autres temps : cela m’a aidée à accepter ma légitimité, mes compétences.
J’ai pu embrasser mon nouveau job avec confiance et sérénité. Aujourd’hui à la tête d’une équipe d’une quinzaine de personnes (l’équipe entière en compte 40), je mène des missions très différentes tout en respectant un planning « normal », sans travailler le week-end par exemple. J’ai même intégré certains outils de mon coaching auprès de mes équipes. Des bonnes pratiques qui profitent à la sérénité de tous !

« Le coaching m’a donné les armes nécessaires »
Docteur Chantal Bousquet (Grand Est)

 

Après 22 ans d’exercice libéral, j’ai pris un poste salarié dans une structure. Mais j’y ai rapidement rencontré des difficultés, notamment managériales : j’avais du mal à faire entendre mes demandes aux paramédicaux et cela m’était d’autant plus difficile qu’elles me semblaient plus que légitimes concernant les patients ! J’ai quitté cette structure pour une autre… où je me suis retrouvée confrontée à la même situation.
Avant de prendre un nouveau poste, j’ai donc décidé d’agir et de suivre un coaching. D’autant que, selon moi, j’étais en partie responsable : quand on a exercé pendant longtemps en libéral, on ne sait pas interagir. Après s’être occupé de tout dans son cabinet, on a tendance à trouver que les choses ne vont pas assez vite dans une structure salariée et à empiéter sur les platebandes des autres, sans comprendre le mécontentement engendré. On a souvent un degré d’exigence élevé qui peut être mal pris par d’autres professionnels qui n’ont pas le même curseur.
Le coaching m’a donné les armes nécessaires pour faire face à ce genre de situation. Forte des conseils prodigués, j’avais beaucoup moins d’appréhension et j’ai abordé différemment mon nouveau poste : j’ai expliqué d’emblée comment je travaille, mes attentes, mon ouverture à la discussion et cela s’est bien mieux passé qu’auparavant. Je ne saurais que recommander cet exercice, particulièrement lorsqu’on quitte le libéral pour le salariat car il faut apprendre une autre manière de travailler. Je pense que cela peut également être utile pour des jeunes médecins fraîchement diplômés car, contrairement à d’autres cursus, les études de médecine ne préparent pas particulièrement au management.

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