Patrick Jourdain, cardiologue du système de santé

9 décembre 2020 patrick jourdain

Son parcours atypique l’a mené où il le souhaitait, dans un souci constant de complétude : à la fois au-dessus de la mêlée et en son… cœur. Cardiologue, Patrick Jourdain se définit avant tout comme un clinicien qui œuvre à développer sa discipline pour qu’elle épouse l’ère du temps à la solde d’une meilleure prise en charge des patients et, par récurrence, d’un système de santé optimisé.

« Au départ, je ne voulais pas être cardiologue », sourit le Professeur Patrick Jourdain, conscient que comme pour bien d’autres, la vocation naît du hasard mâtiné de rencontres. « J’ai eu la chance, quand j’étais interne, de passer par le service de cardiologie à l’hôpital de Pontoise où j’ai trouvé des gens d’une humanité extraordinaire, dans une sorte de compagnonnage de mes confrères, poursuit-il. Ils m’ont fait aimer cette spécialité en me parlant et en m’accompagnant. C’est une discipline vivante qui offre la possibilité de faire plein de choses, qu’il s’agisse des soins intensifs, du traitement des maladies chroniques, de l’Éducation thérapeutique du patient (ETP). Cette diversité m’a toujours enchanté. En fait, on est spécialiste d’un patient dans sa globalité. »

Ce qui est déjà fort honorable mais insuffisant. Très vite, Patrick Jourdain a eu envie de voir plus haut pour regarder plus loin. En somme, d’adjoindre à ce qu’il savait déjà en tant que médecin frais émoulu, diplômé en 1996, une perception structurelle de l’écosystème dans lequel il officie. C’est tout le sens de l’Executive MBA (EMBA) santé qu’il a décroché à l’Université de Paris-Dauphine, en 2015, désireux de renforcer ses compétences organisationnelles, managériales et stratégiques.
« Je me suis beaucoup intéressé aux patients atteints de pathologies chroniques mais également en soins intensifs. C’est de là que m’est venue l’idée d’optimiser les soins, raconte-t-il. C’est moi qui ai lancé les premières unités thérapeutiques d’insuffisance cardiaque en France, en l’occurrence au CH de Pontoise. Le concept consiste à prendre en charge le patient dans sa globalité, depuis l’analyse des biomarqueurs jusqu’à l’optimisation thérapeutique en passant par l’ETP. A Pontoise, cela a débouché sur la création d’une véritable unité intégrée dédiée à l’insuffisance cardiaque, en somme, à une filière de la prise en charge laquelle associe, par exemple, la réadaptation ambulatoire. Ce qui m’a très tôt amené à travailler avec les confrères de ville mais également de l’Université. »

« Privilégier l’économie des forces »

Et à ne jamais voir la santé par le petit bout du stéthoscope : « Le fait d’avoir eu un parcours aussi divers permet d’ouvrir les yeux, de comprendre ce qu’il faut penser, faire ou pas… A force de travailler sur la prise en charge, on voit bien où se trouvent les trous dans la raquette. En France, on a notamment tendance à beaucoup se focaliser sur les nouveaux traitements. Or, seulement un patient sur deux bénéficie du bon traitement et de la bonne surveillance. On se dit alors que les gains d’efficience, ce n’est pas tellement trouver un nouveau médicament, c’est d’abord bien utiliser l’existant, en somme, tout ce que l’on a déjà à notre disposition. »
Des appétences qui ont propulsé Patrick Jourdain dans la sphère ministérielle avec l’ambition d’impulser des changements de paradigme. Tour à tour conseiller affecté à la télémédecine puis aux Groupements hospitaliers de territoires (GHT) avant de s’atteler, aujourd’hui, en tant que chargé de mission, aux chemins cliniques cohérents. Le tout en étant parallèlement adjoint du chef du service de cardiologie du CHU du Kremlin-Bicêtre (AP-HP). Sans compter la gestion, à l’échelle régionale, de la plate-forme Covidom et du programme Covicontact. Dans tous les cas, la ligne directrice demeure intangible : « On dit toujours qu’il faut de la solidarité. Moi, je dis qu’il faut de l’équité dans le soin, que chaque patient ait accès au soin auquel il a droit. L’inertie thérapeutique fait que certains d’entre eux échappent au filet de sécurité. Pour éviter cela, il convient de privilégier l’économie des forces. L’endroit, le moment et le besoin : la télémédecine permet d’assurer cette liaison. »

« Apporter de l’expertise au plus près du patient »

On y vient. Loin d’être une menace, le distanciel est un atout autant qu’une nécessité, y compris en cardiologie. « Le système se complexifie de plus en plus. Ce n’est plus un médecin qui peut traiter tout seul un patient, c’est une équipe. Or, on ne peut avoir tout partout. Il faut organiser le système pour toujours dispenser le bon soin, au bon patient, au bon moment sans être limité par la distance. » A cet égard, la télémédecine s’avère facilitatrice puisqu’elle offre la possibilité de ne pas pâtir des contingences logistiques : « C’est un outil souple, de mise en relation de personnes, chacune spécialiste dans son domaine, ce qui permet d’apporter de l’expertise au plus près du patient en s’affranchissant précisément de la distance. Sans la télémédecine, on a tendance à être aveugle car on navigue à vue, on attend que le patient nous appelle, qu’il n’aille pas bien », insiste le Professeur Jourdain qui, au sein du CHU du Kremlin-Bicêtre, mise sans réserve sur cet outil.
« La télécardiologie peut s’appliquer aux maladies chroniques, à la surveillance au long cours des patients, à la détection en amont des signaux faibles et des alertes pour éviter un passage aux urgences en organisant une consultation quasi-immédiate etc., vante Patrick Jourdain. Plus largement, elle fait en sorte qu’un parcours de soins puisse être réellement ambulatoire tout en diminuant la fréquence des rendez-vous en présentiel pour les patients qui vont bien. » Sans se tromper d’objectif : « La télémédecine n’est pas hors sol. Elle vise une meilleure qualité des soins. C’est pourquoi il y a énormément à gagner en optimisant les parcours. »

Le télécardiologue, médecin avant et après tout

« Le télécardiologue, c’est d’abord quelqu’un qui doit avoir le sens clinique, énonce le Professeur Patrick Jourdain. Il doit être, si l’on peut dire, encore plus affuté pour anticiper et déterminer à distance la sévérité du cas, s’il est nécessaire de revoir le patient etc. Il doit également être agile, c’est-à-dire être en capacité de modifier le plan de soins du patient. Enfin, il doit être pédagogue, en particulier pour expliquer au patient la raison d’être de cet outil de surveillance, lequel n’est ni Big Brother ni un élément stigmatisant. »
En règle générale, le télécardiologue se connecte deux fois par jour – le matin et en début d’après-midi – à la plate-forme sur laquelle les patients, qui ont préalablement accepté ce processus, ont rentré leurs données. Il recense les alertes et rappelle les intéressés pour en identifier la cause. Si l’alerte est importante, il fait en sorte que la personne soit examinée dans les plus brefs délais. Le télécardiologue est également susceptible de recevoir un SMS en cas d’anomalie chez un patient.
Par ailleurs, il peut effectuer des téléconsultations, lesquelles se sont au demeurant démocratisées. « L’important, insiste Patrick Jourdain, est de savoir si l’on est en capacité d’éviter tout risque au patient ou pas, ce qui implique de le connaître et de l’avoir déjà examiné en présentiel. Si l’on sait que l’on peut identifier le point problématique à distance par un interrogatoire et/ou une visualisation, la téléconsultation est appropriée. En revanche, elle ne l’est pas si l’auscultation est nécessaire. C’est pourquoi la télécardiologie s’intègre pleinement dans les soins et est synonyme de gain de sécurité pour les patients. »
Un cardiologue qui souhaite avoir une corde supplémentaire à son arc et se spécialiser en télécardiologie peut suivre une formation universitaire dédiée (DU de télésuivi des prothèses implantables cardiaques télécardiologie, DU de médecine connectée, formations de la Société française de médecine digitale) mais aussi, tout simplement, s’aguerrir auprès des fournisseurs d’équipements de télécardiologie. A lui, d’opter pour celui qu’il jugera le plus ergonomique.

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