Médecins en Europe : au Royaume-Uni, le NHS au centre du jeu

2 mars 2017

La quasi-totalité des médecins, généralistes comme spécialistes, travaillent pour le National health service (NHS), le système de santé publique anglais. S’il est administré et financé de manière distincte en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, celui-ci repose sur des principes identiques dans les quatre régions afin d’éviter toute discrimination entre les médecins ou les patients sur le territoire.

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Les généralistes, indépendants majoritaires mais en contrat avec le NHS

Au Royaume-Uni, la distinction ne se fait pas tant quant au statut des médecins (libéral/hospitalier) qu’au regard de leur spécialité. Les médecins généralistes exercent dans des centres de santé, souvent pluridisciplinaires, du NHS. Environ 85 % d’entre eux, indépendants, ont signé un contrat de prestations de service avec le NHS. Ils sont directement rémunérés par l’État*, en fonction du nombre de patients qu’ils prennent en charge comme médecin traitant. Ils peuvent développer une activité privée (comme par exemple des soins dermatologiques, ostéopathiques ou esthétiques non pris en charge par le NHS) mais uniquement pour des patients dont ils ne sont pas le médecin traitant. Ils perçoivent en moyenne 116 000 euros par an, pratiques privées comprises.
Les 15 % de médecins généralistes restants ont conclu un contrat de travail : ils sont salariés d’un médecin généraliste indépendant ou d’un centre de santé. Leur rémunération annuelle oscille alors entre 64 800 et 98 000 euros.

Les spécialistes, salariés des établissements

Enfin, les médecins spécialistes exercent pour la plupart dans des établissements de soins du NHS. Ils sont salariés et perçoivent une rémunération annuelle de base entre 43 500 et 81 200 euros. Sous certaines conditions, ils sont autorisés à développer parallèlement une activité privée, ce qui leur permet d’accroître leurs revenus de 1 à 10 %.

Une pénurie de médecins

En principe, la signature des contrats de prestation de services et des contrats de travail des médecins est conditionnée aux plans des autorités de santé, lesquels sont eux-mêmes basés sur l’offre et les besoins de soins actuels comme futurs. « En pratique, la plupart des médecins trouvent un poste en répondant à une annonce parue dans la presse médicale, dans les universités ou sur des sites Internet, notamment NHS Jobs qui centralise les offres de postes d’un très grand nombre d’employeurs du NHS », résume une étude de législation comparée du Sénat français**.

Le Royaume-Uni doit toutefois faire face à une importante pénurie de médecins et de nombreuses offres ne sont pas pourvues. En février 2016, une enquête de la BBC révélait ainsi que 6 207 postes de médecins étaient vacants, notamment en anesthésie-réanimation, en soins intensifs et aux urgences. En novembre dernier, un rapport parlementaire estimait quant à lui qu’il manquait 3 000 médecins au sein des services d’urgences du NHS, faisant craindre une crise sanitaire majeure pour l’hiver 2016-2017. En cause, notamment : le vieillissement des patients, qui accroit les besoins de soins, et des médecins qui partent massivement à la retraite ; l’expatriation des médecins, à la recherche de meilleures conditions de travail ; mais aussi le nombre insuffisant de praticiens formés dans le pays.

Les étrangers à la rescousse

Certaines régions, rurales, souffrent plus que les autres de cette pénurie. « Comme dans tous les pays européens, les médecins préfèrent exercer dans des zones urbaines et/ou dans des hôpitaux reconnus où exercent les meilleurs médecins et professeurs du pays, confirme Yasser Moullan, économiste au sein de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). C’est pourquoi, au Royaume-Uni, le NHS recrute énormément de médecins généralistes et spécialistes étrangers, notamment issus des anciens pays du Commonwealth. » Afin de faciliter les démarches, l’organisation organise même, depuis quelques années, des entretiens préliminaires d’embauche en ligne via Skype. À l’heure actuelle, un tiers des médecins du Royaume-Uni ont été formés à l’étranger (lire encadré) et, en moyenne, un médecin généraliste sur cinq vient désormais de l’étranger, voire deux sur trois dans certaines zones plus rurales comme l’Essex.

Des soins gratuits pour tous les Anglais : un système menacé ?

Le National health service (NHS) est en grande partie basé sur la gratuité des soins. Les résidents du Royaume-Uni peuvent, sans frais, consulter un médecin agréé par le NSH ou être hospitalisé dans un hôpital agréé par le NHS. Une participation financière est généralement due pour les soins dentaires et ophtalmologiques, les lunettes et lentilles de contacts ou encore les médicaments prescrits, pour lesquels une participation forfaitaire d’environ 10 euros est demandée (sauf pour les jeunes de moins de 19 ans, les seniors, les femmes enceintes, les jeunes mères pendant 12 mois etc.). Par ailleurs, environ 11 % de la population du Royaume-Uni souscrit à une assurance médicale privée, soit par le biais de leur l’employeur, soit à titre individuel, pour pouvoir financer les médecins privés non pris en charge par le NHS (une consultation privée auprès d’un spécialiste peut varier entre 95 et 315 €), ou pour éviter les longs délais d’attente qu’impose le NHS.

Mais, confrontée au vieillissement de la population, à la croissance démographique, aux politiques d’austérité et à un manque de moyens et d’effectifs, cette institution, qui fait la fierté des Anglais depuis 1948, est aujourd’hui menacée. Début janvier, la Croix-Rouge anglaise évoquait une « crise humanitaire », les médecins dénonçant quant à eux un système « au bord de la rupture » et des conditions dignes du « Tiers-monde ». Au même moment, une série documentaire diffusée sur la BBC choquait le pays entier. Elle montrait le service d’urgences de l’hôpital Saint-Mary de Londres (Royaume-Uni) au bord de la crise de nerf. Le temps d’attente y était de près de quatorze heures tandis qu’un patient cancéreux devant rapidement bénéficier d’une opération était renvoyé chez lui pour accueillir une femme victime d’une hémorragie à l’aorte.

La crise passe d’autant plus mal auprès de la population que les partisans du « British Exit », la sortie de l’Union européenne – validée par référendum le 24 juin 2016, avaient promis de renflouer les caisses de l’institution avec l’enveloppe dévolue à la participation à l’UE. Un argument balayé dès le lendemain du référendum par le Parti de l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP). L’indépendance britannique ne risque d’ailleurs pas de mettre fin à la menace qui plane sur cette institution britannique car la présence de médecins étrangers dans les hôpitaux publics, laquelle permet aujourd’hui de compenser la pénurie de candidats anglais, pourrait justement être remise en cause par le Brexit.

Les chiffres

– 280 882 praticiens étaient recensés au Royaume-Uni au 15 décembre 2016 : 89 067 généralistes (dont 74 624 en exercice) et 67 772 spécialistes (dont 61 137 en exercice).
– 63,5 % ont été formés au Royaume-Uni. Les 36,5 % restants ont été formés à l’étranger (Inde, Pakistan, Afrique du Sud, Nigéria, Irlande).
– Avec un peu plus de 270 médecins (généralistes et spécialistes) pour 100 000 personnes, le Royaume-Uni est le pays qui compte le moins de médecins par habitant au sein de l’UE.

Sources : General medical council (GMC) ; Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé.

 

suite :
En Belgique, de fortes similitudes avec la France >
Interview de Patrick Romestaing, Vice-Président du CPME >

 

* Le NHS, au Royaume-Uni, est financé directement sur le budget général de l’État, lui-même alimenté par l’impôt.
** Étude de législation comparée n° 185 – mai 2008 – La démographie médicale, plus d’infos

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