Ressources humaines médicales : existe-t-il une culture européenne ? [Partie 1]

28 octobre 2021 RH médicale europe

Au fil des siècles, l’Europe s’est construite, jusqu’à devenir aujourd’hui une Union économique et politique. S’ils partagent un certain héritage historique commun, chacun de ses Etats membres possède également son identité et sa culture propres… Et si l’UE favorise la circulation des personnes et l’harmonisation des formations et des pratiques, qu’en est-il dans les faits ? Peut-on dire qu’il existe une Europe des médecins ?

1) Comprendre

L’éclairage de… Paul Garassus, président de l’Union européenne des hôpitaux privés (UEHP)

« Les États membres de l’Union européenne ont une grande autonomie concernant l’organisation interne de leur système de santé et de soins. Tous, néanmoins, font face à une ressource médicale qui se raréfie. Les pays de l’Est de l’Europe pâtissent notamment de la forte attractivité des carrières dans les pays de l’Ouest. Ces derniers éprouvent quant à eux des difficultés à susciter suffisamment de vocations au sein de leurs établissements de soins. Régulièrement en carence de médecins, l’Angleterre était, avant de la quitter, le pays de l’UE ayant le plus fort taux de médecins à diplômes étrangers, par exemple.

De nombreux praticiens n’hésitent pas à passer les frontières de pays proches pour de meilleures conditions de vie et d’emploi : les Allemands sont ainsi assez séduits par la Suisse alémanique. Ceci étant, la différence de règlementations ne facilite pas toujours l’installation et la construction des carrières, que les médecins souhaitent de plus en plus évolutives et modulables en termes de volume d’activité et de mode d’exercice.

En Allemagne, les établissements de soins privés lucratifs et non lucratifs font donc de plus en plus appel à des officines chargées de faciliter les interactions entre eux et de potentiels candidats, qu’ils soient nationaux ou étrangers. Concrètement, après avoir recueilli leurs besoins en termes de recrutement, les officines en question sont chargées de présélectionner des profils puis de faciliter leur intégration grâce à un accompagnement personnalisé : emploi du temps le plus adapté possible à leurs attentes, solutions de garde et de scolarisation pour leur enfants, propositions de logement voire d’emploi pour leur conjoint(e)…

Autre exemple : un grand groupe privé, en Italie, possède plusieurs centres hospitaliers, dont un CHU. La souplesse organisationnelle et financière dont il dispose lui permet de proposer des perspectives réellement attractives de rémunération et de carrière aux médecins de talent. Ces « contrats sur-mesure » renforcent nettement l’engagement des praticiens.

À tel point que ces stratégies sont adoptées par de plus en plus de structures privées, qui aspirent à devenir des « magnets hospitals ». À noter qu’en Belgique, le secteur privé (non lucratif exclusivement) se singularise puisque les redevances versées par les médecins non-salariés aux établissements au sein desquels ils exercent sont utilisées pour investir dans lesdits établissements. Cela accroît l’attractivité partenariale réciproque de ce type d’exercice ! »

L’éclairage de… Pascal Garel, directeur général de la Fédération européenne des hôpitaux et des soins de santé (HOPE)

« Les systèmes de santé sont extrêmement hétérogènes en Europe, de même que le statut et mode d’exercice des médecins au sein des établissements de soins. En Belgique, par exemple, si les internes sont salariés, les médecins ne le sont que très marginalement et ce, aussi bien dans les établissements publics que privés non lucratifs (il n’existe pas d’établissement de soins privés lucratifs dans le pays, NDLR). Aux Pays-Bas, ils étaient eux aussi essentiellement dans une relation contractuelle non-salariée avec l’établissement dans lequel ils exercent, même si nous constatons une évolution forte vers le salariat ces dernières années.

Autres particularités, certains pays autorisent les médecins salariés à exercer à temps partiel au sein d’un hôpital public et, le reste du temps, au sein d’une clinique ou d’un cabinet privé, comme au Portugal, mais d’autres non, comme au Royaume-Uni. En revanche, l’Angleterre, la France et l’Allemagne acceptent que les médecins hospitaliers à temps plein exercent une activité privée au sein de l’hôpital…

Ce n’est pas tout. Certains pays européens ont mis en place un service national de santé, type National Health Service (NHS) britannique, qui gère la très grande majorité de l’activité hospitalière et ce, avec une logique de médecins salariés et à temps plein. Ces hôpitaux, publics, sont gérés par les régions au Danemark, les municipalités en Finlande, les comtés et régions en Suède. Chacune de ces collectivités applique des conventions collectives spécifiques pour leurs agents, médecins compris ! En Italie, le service national de santé a lui aussi été régionalisé et de fortes disparités existent d’une région à l’autre, dans les hôpitaux comme dans les centres de santé publics. En revanche, le personnel médical dépend d’une convention collective nationale.

Autre exemple qui montre la diversité de la gestion des ressources humaines médicales en Europe : l’Allemagne. Les hôpitaux publics, qui représentent un tiers des établissements de soins du pays, sont détenus par des collectivités locales (districts, municipalités ou régions) et caractérisés par une gestion publique ou privatisée, avec des médecins sous statut public ou privé ! Il y a plusieurs années, lorsque le personnel hospitalier s’est vu proposer de choisir son statut, les médecins ont, dans la plupart des établissements, opté pour un statut privé… Et au sein d’une même collectivité, la situation peut varier d’un établissement à l’autre ! »

Découvrez l’ensemble du dossier :
2 – Le rôle de la formation
3 – Témoignage

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